un

Questions à Julien Masdoua

En spectacle à la librairie un point un trait, le 18 Mai 2022

C le Mag : Vous êtes diplômé d’Histoire, comment passe-t-on d’un master d’histoire à raconteur d’histoires puis à acteur, c’est à dire celui qui joue des histoires ?

Julien Masdoua : Assez logiquement finalement… l’Histoire est constituée d’histoires, et les études d’Histoire mènent essentiellement au travail d’enseignant qui finalement ressemble beaucoup au métier d’acteur. Plus prosaïquement, c’est en vivant sur le campus que j’ai commencé le théâtre en amateur et que je suis passé ensuite au théâtre professionnel.

ClM : Comment êtes vous “tombé” dans une série télé comme “Un si grand soleil” ?

J.M. : Je fais de la télévision depuis le début de ma carrière. Pour “USGS”, j’ai suivi le parcours normal des auditions, des castings jusqu’à avoir la chance d’être retenu pour le rôle d’Enric que j’interprète donc depuis le début de la série.

ClM : Vous avez fondé La Compagnie du Capitaine et vous en êtes aussi le directeur artistique, quelles sont les particularités de cette compagnie de théâtre ?

J.M. : La Compagnie du Capitaine est une vraie “troupe” dans le sens où ce n’est pas qu’une structure administrative : il y a une ligne artistique définie, un groupe de personnes qui travaillent toujours ensemble et une énergie et des valeurs partagées. Pragmatiquement, nous proposons une grande variété de spectacles (théâtre, jeune public, conte, improvisation, théâtre immersif, etc.)

ClM : Vous avez écrit plusieurs pièces de théâtre, dont le “Cabaret Sherlock Holmes” une pièce de théâtre enquête où vous jouez le personnage de Sherlock Holmes. Pourquoi ce personnage est-il si fascinant, à voir, à lire, et j’imagine à jouer ? 

J.M. : En réalité j’ai écrit 3 spectacles autour du personnage de Holmes : “Le cabaret Sherlock Holmes” une pièce de théâtre, “Un meurtre sera commis ce soir” une enquête immersive et interactive et “Le mystère du bidon tout rond” une pièce jeune public. Le personnage de Holmes est le personnage de fiction le plus interprété au monde, tous supports confondus et ce n’est pas pour rien. Je pense que ce qui fascine le plus chez Holmes, c’est le fait qu’il soit en quelque sorte l’ancêtre archétypal de tous nos héros modernes, que ce soit les personnages de romans, séries ou films policiers (qui s’inscrivent tous dans la lignée de Holmes ou en opposition à lui), ou les super héros (Batman par exemple est une adaptation directe et reconnue de Holmes). 

ClM : Vous avez écrit plusieurs “Murder Party”, mais qu’est-ce donc une Murder Party ?

J.M. : Pour simplifier, une “Murder Party” est un spectacle dans lequel le public va jouer le rôle du détective et tenter de résoudre un mystère en se basant sur la performance des comédiens.

ClM : Le 18 mai vous serez à la librairie Un point un trait à Lodève pour une représentation d’une soirée-enquête en présence de Sherlock Holmes, comment cela va-t-il se dérouler ? 

J.M. : Le public est directement plongé dans l’univers du XIXème siècle anglais et est intégré au spectacle par le biais des techniques du théâtre immersif (jeu au milieu des spectateurs, prise à partie, improvisation). Nous sommes sensés assister à la réouverture d’un lieu culturel victorien, fermé un an auparavant suite à un décès plus que suspect. Sherlock Holmes fait partie des invités d’honneur et bien évidemment, durant la soirée, un meurtre sera commis…

ClM : La Compagnie du Capitaine présente aussi d’autres spectacles, d’enquêtes, d’illusions et de magies, d’histoires et légendes, et même du Shakespeare, quel est votre rapport aux mots ?

J.M. : Le langage définit notre façon de penser et de concevoir le monde. Une même information délivrée avec des mots différents n’a pas du tout la même concrétisation dans l’esprit de celui qui la reçoit et les actes qui s’en suivent sont différents. Les mots et le langage constituent notre identité. C’est précisément le cœur de la thématique de notre travail sur notre nouvelle pièce “S’il ne nous reste que Shakespeare” dans laquelle les personnages ont la particularité de ne pouvoir s’exprimer qu’avec des phrases issues des pièces de Shakespeare. 

ClM : Vos spectacles d’enquêtes “Sherlock Holmes” ou “films noirs” cherchent-ils à éveiller l’esprit critique ?

J.M. : Ils cherchent avant tout à divertir et à proposer une autre approche du spectacle vivant, un peu plus active de la part du spectateur. Et bien sûr, l’esprit critique étant en partie observation, scepticisme et analyse, les théâtre-enquêtes y encouragent !

ClM : Vous écrivez et mettez en scène, quels sont vos sujets favoris et vos projets ?

J.M. : J’aime tout ce qui touche à la nature humaine, mais j’aime beaucoup aussi tout ce qui est iconique et participe à notre héritage culturel global. C’est le cas avec Holmes mais aussi avec l’œuvre de Shakespeare sur laquelle nous travaillons en ce moment. Je travaille également à l’écriture d’une série TV mais chut, c’est top secret !

ClM : Vous préparez un autre spectacle en partenariat avec la librairie un point un trait, un spectacle d’humour et d’improvisation. Comment cela se travaille-t-il ?

J.M. : L’improvisation théâtrale telle que nous la pratiquons est très technique et demande énormément d’entraînement et de travail. J’enseigne depuis plus de 20 ans et les improvisateurs de la troupe suivent mes formations comme les autres élèves “amateurs”. Il faut pas mal d’heures de vol pour participer à un spectacle d’impro de la Compagnie du Capitaine.

ClM : Dans vos spectacles, l’humour est souvent présent, qu’est-ce pour vous l’humour ?

J.M. : L’humour est la meilleure façon de faire passer des idées. Le spectateur est en mode “détente” donc beaucoup plus ouvert à recevoir les messages que nous autres artistes essayons de diffuser. Rien de bien original : l’amour, la tolérance, le respect…

ClM : Un spectacle d’improvisation n’est-il pas la meilleure façon d’éviter le “trou de mémoire” et donc peut-être une forme de “trac” ?

J.M. : En fait l’improvisation théâtrale est mille fois plus difficile pour un comédien que l’interprétation d’un rôle écrit (qui bien sûr pose de son côté d’autres difficultés) car en plus de la casquette “interprète” on porte également celles d’auteur et de metteur en scène, et ce, en direct et sans temps de préparation. Donc côté “trac” c’est encore pire !

ClM : Entre Murder Party et improvisation où l’humour règne en maître, peut on vraiment mourir de rire ?

J.M. : Bien sûr que oui. Mais si c’est le cas, Holmes saura le voir et présentera vos meurtriers à la justice !

ClM : Merci Julien, retrouvons-nous le 18 mai à la librairie Un point un trait à Lodève dans une ambiance très XIXème !

Par Stephan Pahl

Questions à HAJAR AZELL

Hajar Azell sera à la librairie un point un trait le vendredi 8 avril 2022

Bonjour Hajar Azell ! Vous serez à la Cave de Cabrières près de Clermont l’Hérault pour une première rencontre ensuite à Lodève à la Librairie un point un trait pour participer à un atelier d’écriture puis à une rencontre suivie d’une séance de dédicaces ? Même les lycéens auront l’occasion de vous découvrir !

C le Mag : Votre premier roman L’envers de l’été est paru chez Gallimard, comment cela s’est déroulé ?

Hajar Azell : J’ai envoyé mon roman en avril 2020 à Gallimard et j’ai eu la chance d’être contactée quelques mois plus tard par l’un des éditeurs de la maison. C’est un rêve d’enfant qui se réalise pour moi qui ne connaissais absolument personne dans ce milieu.

ClM : Présentez-nous ce roman, L’envers de l’été.

H.A. : Dans la grande maison familiale au bord de la Méditerranée, Gaïa vient de mourir. May, sa petite-fille, qui a grandi en France, éprouve le besoin de passer quelques mois dans la maison avant sa mise en vente, en dehors de la belle saison. Elle y découvre, en même temps que la réalité d’un pays qu’elle croyait familier, le passé des femmes de sa lignée. En particulier celui de Nina, la fille adoptive de Gaïa, tenue écartée de l’héritage. Le paradis de son enfance se révèle rempli de blessures gardées secrètes.

ClM : Votre livre aborde différents sujets autour de la famille, quels sont-ils ?

H.A. : Mon roman sonne l’adieu aux mythes de l’enfance : l’été, la famille, la terre originelle. Cela m’intéressait de montrer comment une maison familiale – qui symbolise l’unité d’une famille – peut devenir l’objet de récits concurrents. Après la mort de la grand-mère, la maison est vendue et chacun de mes personnages écrit sa propre version des choses et emporte avec lui son lot de souvenirs. Au sein de la même famille, on n’est plus tout à fait sûr d’avoir vécu les mêmes choses. 

ClM : Le décor est une partie importante du récit, l’ici et l’ailleurs, pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

H.A. : Mon roman s’enracine dans un village imaginaire que j’ai nommé Tephles – en référence à Delphes, qui, selon la mythologie grecque, serait le centre du monde. Dans mon roman, Tephles est le lieu de rassemblement d’une famille éclatée entre plusieurs pays. C’est pour les uns, un lieu de retrouvailles estival et pour les autres, un lieu de vie. Le village et la maison familiale ont une dimension symbolique très forte pour la plupart des personnages. Gaïa, la matriarche, y a veillé. À Tephles, la maison, la terre, le soleil et la mer ont également une place centrale. Ils incarnent cette constance dont on s’accommode, siègent en rois dans une nature désertée. Alors que les villes s’étendent à toute allure, la nostalgie de ceux qui partent grandit, et avec elle, la souffrance des prisonniers d’un seul territoire. 

ClM : Au cours du récit nous alternons entre le passé et le présent, dans la mixité des générations à travers les yeux de deux personnages principaux May et Camélia. Qui sont-elles ?

H.A. : May et Camélia sont deux cousines du même âge. Elles ont des personnalités très différentes mais elles se construisent ensemble d’été en été. On suit leur découverte de l’amour et leurs premières aventures adolescentes… Ce roman raconte leur éloignement progressif à travers les souvenirs croisés des personnages. Les conflits de famille et l’éloignement géographique vont, petit à petit, éroder la pureté de leur relation d’enfant.

ClM : Vous écrivez dans votre roman (p. 139) : “L’écriture a cela de dangereux qu’elle crée un matériau intelligible pour les souffrances que l’on tait…” En quoi l’écriture est-elle la parole du silence ?

H.A. : Pour moi, le silence cache quelque chose de trop enfoui pour que la parole, seule, suffise à l’épuiser. A contrario, l’écrit est le territoire de la complexité, il donne à voir des vécus différents, fouille un sujet en profondeur. Un roman fait vivre de manière très sensorielle, très charnelle, le point de vue d’autrui. Il rend le silence et les colères accessibles, presque douces. 

© Francesca Mantovani 

ClM : Pourquoi est-ce dangereux de révéler ses souffrances ?

H.A. : Camélia – le personnage qui tient ce carnet et écrit cette phrase – est consciente du pouvoir de l’écriture sur sa propre prise de conscience des choses. Écrire contribue à faire exister les choses, cela leur donne de la valeur, un habit fait de mots et d’émotions. Dans le cas de Camélia, c’est de ses propres secrets qu’il s’agit. C’est comme si elle cherchait à s’en débarrasser tout en prenant conscience que quelqu’un pourrait alors les trouver.

ClM : À travers le personnage de May nous passons du monde de l’enfance à celui de l’adulte. De l’innocence de l’enfance aux secrets des adultes. Est-ce justement cela le monde adulte, la perte de l’innocence ?

H.A. : Oui, en partie. Et en même temps, le principe de réalité est nécessaire pour déconstruire les mythes de l’enfance. Cela permet aussi d’avoir un rapport plus sain aux choses. Pour May, par exemple, le passage à l’âge adulte va se traduire par la découverte de l’envers de ses étés. Toutes les personnes qui sont entre deux pays passent nécessairement par cette désillusion nécessaire qui n’enlève pas la beauté des choses. “Connaître un territoire, ce n’est pas seulement le chérir, c’est l’éprouver.” peut-on lire dans la deuxième partie du roman.

ClM : Amertume et rancœur d’un pays et village rêvé pour les uns, cauchemar ou prison pour les autres, idéal de vacances ou réalité du quotidien ? C’est quoi les vacances ?

H.A. : Les vacances c’est un moment collectif de création de souvenirs. Il y a quelque chose de très beau dans ces retrouvailles, dans ce temps non productif. Et en même temps, j’ai toujours trouvé qu’il y avait une forte injonction au bonheur pendant les vacances, a fortiori aujourd’hui avec les réseaux sociaux qui entretiennent encore davantage le mythe des vacances parfaites.

ClM : Le personnage de Camélia dit “Plusieurs fois j’ai eu envie d’écrire de vraies histoires” Qu’est-ce une vraie histoire ?

H.A. : Dans ses carnets, Camélia se moque de la construction que nécessite la fiction : l’intrigue, les indices qu’il faut laisser pour expliquer les rebondissements… “Bien sûr on peut toujours retrouver a posteriori les indices précurseurs de tel ou tel événement ou de telle ou telle réaction. Mais ça c’est une manie d’écrivain. La vie c’est autre chose.” écrit-elle.  C’était important pour moi de glisser l’idée, qu’après tout, en toute humilité, la fiction ne fait que coudre ensemble des événements qui n’ont pas toujours de lien. Le besoin de récit est un besoin terriblement humain mais ni la vie, ni la mort ne s’embarrassent de sens. Encore un mythe à déconstruire.

ClM : Merci Hajar et à très bientôt

Par Stephan Pahl

Questions à Patrice Gain

Patrice Gain. sera à la librairie un point un trait le jeudi 13 janvier 2022

C le MAG : Vous êtes ingénieur en environnement et professionnel de la montagne, votre cinquième livre paru en 2021 est De silence et de loup. Vos ouvrages abordent en filigrane la question du lien entre l’Homme et la nature, est-ce une question nécessaire aujourd’hui ?

Patrice Gain : J’écris des romans contemporains. Logiquement, la question du lien entre l’Homme et la nature revient dans mes textes. L’Homme exploite cette planète comme si tout lui appartenait, sans égard pour lui-même et a fortiori pour les espèces avec lesquelles il partage cet espace. Seuls comptent la croissance et le profit. Si les océans meurent, nous mourons et pourtant nous nous précipitons pour pêcher le dernier poisson, harponner le dernier cétacé et en prime nous y déversons tant de choses dont nous ne savons que faire. Les mers ne seront bientôt plus que d’immondes cloaques toxiques.

ClM : La nature, présente dans la plupart de vos écrits, est-elle tout autant un décor qu’un élément essentiel du récit au même titre que les personnages ?

P.G. : Quand j’écris, il me faut une histoire et un territoire, puis je pose mes personnages au milieu. Ils interagissent ensuite les uns avec les autres.

ClM : Lorsque Anna, le personnage de ce roman, rejoint une mission scientifique en Sibérie, vous racontez les difficultés administratives, mais aussi les obstacles que rencontre cette mission. Est-ce du vécu ? Mais surtout est-ce une façon de rappeler les difficultés des missions de recherche scientifique ?

P.G. : Oui, effectivement, rien n’est jamais écrit par avance quand on s’aventure dans ces territoires du bout du monde.

ClM : Dans votre livre, la recherche scientifique effectuée en Sibérie aborde la question des moyens dont elle dispose. La question des moyens est-elle une réalité des missions scientifiques en général et celles environnementales en particulier ?

P.G. : Paradoxalement, la recherche scientifique repose sur la volonté de quelques chercheurs, de quelques laboratoires universitaires, dont les financements émanent le plus souvent de grandes entreprises cherchant à “verdir” leur image.

ClM : Dans De silence et de loup, les grands espaces s’opposent à l’atmosphère confinée de vos personnages, Anna sur son bateau et Sacha dans la chambre du monastère. Comment se construisent ces oppositions ?

P.G. : Je voulais mettre en scène deux huis clos, celui d’Anna sur le voilier polaire et celui de son frère Sacha au sein du monastère de la Grande Chartreuse, congrégation cartusienne. Les grands espaces ne s’opposent pas à l’érémitisme, ils sont souvent, pour ne pas dire toujours, le cadre de vie de ceux qui s’y adonnent.

ClM :  Dans votre livre Denali, l’environnement naturel est à la fois le refuge et la source du danger pour Matt. Est-ce la même approche pour Anna dans De silence et de loup et pour Tom et Luna dans Le sourire du scorpion

P.G. : C’est vrai pour Tom et Luna, dans Le sourire du scorpion. En ce qui concerne Anna dans De silence et de loup, c’est différent. La toundra sibérienne, en hiver, est un lieu particulièrement hostile pour toutes personnes autres que celles natives des peuples indigènes de Sibérie.

ClM : Dans cette atmosphère pesante, oppressante, vous créez une ambiance qui caractérise les romans noirs, mais vous abordez aussi de nombreux sujets de société, (l’homosexualité, la vengeance, la pédophilie, la religion, le silence, la mort, la fratrie, …) lequel de ces thèmes vous tient le plus à cœur ?

P.G. : Je dirais la fratrie, parce que c’est là que résident les liens de l’enfance.

ClM :  Pensez-vous que le roman noir soit aussi un vecteur des questions d’actualité ?

P.G. : Incontestablement. Bon nombre de romans noirs sont en prise directe avec le monde. Ils tirent les fils de ce qu’il y a de noir en nous (et ils sont nombreux) pour, indirectement, dire comment notre monde tourne.

ClM : Dans De silence et de loup, vous abordez le thème de la violence faite aux femmes. Les réponses par les mots d’Anna et les actes de Jeanne sont-elles destinées à nous interroger sur la question de la vengeance et de la justice des Hommes ?

P.G. : La vengeance est la seule chose qui reste dans notre esprit quand l’abominable l’a vidé de sa substance. Ce n’est pas tant la justice des Hommes qu’elle interroge, mais l’Homme lui-même, dans sa propension à commettre des actes abjects.

© Chantal Briand

ClM : Le 13 janvier prochain, vous serez à Lodève à la librairie un point un trait, située au pied du Larzac, pas si éloignée des lieux évoqués dans Le sourire du scorpion. Seriez-vous inspiré par les grands espaces du Larzac et les terres rouges du Salagou ?

P.G. : Oui, sans aucune hésitation !

Par Stephan Pahl

L’idée Livres (1) – n°186

L’ENFANT RÉPARÉ de Grégoire Delacourt

Roman – Broché : 400 pages
Éditeur : Grasset
Parution : septembre 2021
ISBN : 978 224 682 8846

“J’ai compris depuis ce qui motiverait mon chemin d’écrivain. Présenter à l’adulte que je suis devenu l’enfant que je fus.” 

Bouleversant. Il aura fallu 9 livres pour que l’auteur dans son dixième roman parle enfin de lui. Nous suivons son cheminement pas à pas, l’histoire de sa vie et du drame d’enfance qui le définira. Sa révélation après son roman « Mon père », où l’on devine que le prêtre c’est son père et que l’enfant violé c’est lui. Que toutes ses histoires précédentes auront été écrites pour réussir à écrire ce dernier livre, pour réaliser et comprendre qu’il fut une victime. Victime de la violence d’un homme. 55 ans de refoulement. 

Grégoire Delacourt baisse la garde et se livre franchement à nous avec beaucoup d’émotion, de pudeur et de délicatesse.


SANGOM (les Damnés de Cape Town) de Caryl Ferey & Corentin Rouge

BANDE-DESSINÉE : 152 pages Éditeur : Glénat
Parution : novembre 2021 ISBN : 978 234 403 4200

En Afrique du Sud, une vingtaine d’années après l’Apartheid, les cicatrices laissées par l’ancien système peinent à se refermer. Dans ce contexte, Sam est retrouvé mort sur les terres de la ferme des Pienaar, ses employeurs. Le lieutenant Shepperd – esprit léger, avisé autant que séducteur et tête brûlée – est chargé de saisir les enjeux qui auront mené au drame. 

De la bonne BD comme on les aime. Une histoire noire, très noire qui tient la route, forcément c’est Caryl Férey qui est aux commandes, on retrouve son style acéré, sombre, réaliste et on se régale ! Un scénario illustré par des dessins magnifiques et parfaitement maîtrisés. Racisme, vengeance, violence, superstition et rédemption sont au programme. On ne perd pas une miette de ce western contemporain.


THE PROMISED NEVERLAND de Kaiu Shirai & Posuka Demizu

SHÕNEN – Manga : ±200 pages

Editeur : Kazé 

Parution : juin 2021 (tome final)

ISBN : 978 282 034 0887

L’histoire débute à l’orphelinat de Grace Field House, dans laquelle nous suivons Emma, Norman et Ray, trois enfants très doués. Un soir, alors qu’ils se réjouissaient de voir l’un de leurs camarades partir trouver une famille, le rêve vire au cauchemar lorsque Emma et Norman suivent leur « Maman » (qui gère l’orphelinat) : au lieu de trouver une famille d’accueil, les enfants sont livrés à des démons comme nourriture… Grace Field House est en réalité une ferme d’élevage ! Leurs péripéties ne font que commencer…

Le style graphique enfantin de l’ouvrage dénote avec le ton de son histoire, créant ainsi un décalage assez savoureux. Il est ainsi possible de discerner les émotions et les sentiments des personnages plus facilement. Ajoutez à cela une histoire haletante et des personnages attachants… vous obtiendrez une série à ne pas louper !


DANS LA NUIT BLANCHE de Olivier Adam

Ados – Broché : 264 pages Éditeur : Robert Laffont Parution : octobre 2021
ISBN : 978 222 125 5599

Antoine était dans le coma. Il s’était fait renverser par une bagnole et on l’avait emmené aux urgences alors qu’il avait perdu connaissance. Physiquement, il n’y avait pas trop de dégâts. Deux côtes cassées. Le poignet fracturé. Mais pour le moment il était dans les limbes. 

Je ne m’attendais pas à ça ! C’est un roman pour ados… Un bon roman pour ados. Touchant et palpitant. Chaque chapitre est raconté par un personnage différent qui revient par intermittence. Antoine 16 ans est dans le coma et on découvre au fur et à mesure ses sensations. On est aussi avec Lea, sa sœur, qui est partie vivre à Paris, avec Hugo, son pote de toujours et secrètement amoureux de lui, avec Gabriel, Chloé, Nathan, les amis de Lea… bref, tout un petit monde qui gravite autour d’Antoine. Leurs pensées, leurs interactions et puis la recherche du coupable, celui qui a laissé Antoine sur le bord de la route sans s’arrêter. On accroche tout de suite, c’est crédible et très bien mené, on ne lâche pas le livre jusqu’au dénouement qui est à la hauteur de nos espérances. 

par la librairie un point un traitwww.unpointuntrait.fr

L’idée Livres (2) – n°186

CONTES DE L’INATTENDU de Roald Dahl

RÉCITS – Illustré : 1568 pages Éditeur : Gallimard
Parution : septembre 2021
ISBN : 978 207 287 6493 

LE recueil de contes et nouvelles pour adultes de Roald Dahl, dont quatre nouvelles inédites en français et incluant également ses récits autobiographiques, Moi, Boy et Escadrille 80.

Principalement connu pour l’immense succès de son œuvre jeunesse (Matilda, Charlie et la chocolaterie, Sacrées sorcières…), Roald Dahl a pourtant écrit tout au long de sa vie des fictions pour adultes, le plus souvent sous la forme de courtes nouvelles teintées d’humour noir. Les histoires se déroulant principalement dans l’Angleterre des années 40-50, on pourra trouver au décor un charme un peu désuet mais le style et les personnages restent d’une étonnante actualité. On y retrouve une intrigue saisissante dès les premières lignes, des personnages criants de vérité et un dénouement toujours inattendu qui peut parfois faire grincer des dents. Mention spéciale pour Jeu, qui démontre, si besoin était, la puissance de l’imagination !


APAISER NOS TEMPÊTES de Jean Hegland

ROMAN – broché : 560 pages Éditeur : Phébus
Parution : août 2021
ISBN : 978 275 291 2350

Lorsque Anna, étudiante en photographie à Washington, et Cerise, lycéenne de milieu modeste en Californie, tombent enceintes par accident, chacune va faire un choix qui va déterminer le cours de sa vie. Des années plus tard, après avoir vécu l’expérience de la maternité de différentes manières, elles vont être réunies par le hasard.

Après Dans la forêt, Apaiser nos tempêtes est le deuxième roman de Jean Hegland à avoir été traduit en français. C’est une réflexion intime et approfondie sur la maternité, sur la difficulté d’être une mère mais également un roman sociologique sur notre monde actuel qui a vite fait de nous faire basculer dans la précarité et la pauvreté. Un roman réaliste et contemporain sur la vraie vie où les personnages sont des gens comme vous et moi confrontés aux difficultés et aux aléas de l’existence.


À MAINS NUES de Amandine Dhée

ROMAN – Poche : 120 pages Éditeur : La contreallée
Parution : octobre 2021
ISBN : 978 275 788 9640

Dans À mains nues, Amandine Dhée explore la question du désir à la lumière du parcours d’une femme et de ses expériences sexuelles et affectives. Comment devenir soi-même dans une société où les discours tout faits et les modèles prêts à penser foisonnent ?

La narratrice entrecoupe des passages écrits à la troisième personne où elle revisite des événements de son enfance et de son adolescence avec des passages à la première personne où elle raconte ses difficultés à concilier son nouveau rôle de mère avec ses aspirations de femme. Sans geindre, sans s’attendrir sur son sort, elle expose ses doutes, cherche des pistes qu’elle expérimente directement ou à travers le témoignage de proches, pour se rassurer, essayer d’avancer. Après La femme brouillon, sur la grossesse et la maternité, Amandine Dhée nous livre un témoignage sur le désir sincère, intime, percutant, nourri de réflexions intelligentes sur le féminisme à chaque âge de la vie. À mettre entre toutes les mains !


LE SERMENT de Arttu Tuominen

DRAME – Broché : 448 pages
Éditeur : La Martinière
Parution : septembre 2021
ISBN : 978 273 249 6665 

Dans les prairies sauvages de Finlande ressurgissent les souvenirs d’une enfance féroce, les traumatismes du passé. Entre les courses à vélo et les vengeances à la sortie de l’école, un pacte de sang a été scellé. Un serment qui se rappellera à eux trois décennies plus tard. 

Très bonne surprise. Un polar finlandais sensible et intelligent. L’histoire de vies dont les destins prennent leurs sources dans les drames du passé. Des enfances cabossées, des pères violents, des amitiés fortes et des pactes secrets. Une écriture fluide et accrocheuse. Un bon rythme, on est tenu en haleine et on ne s’ennuie jamais. Petit bémol, une fin un peu rapide. 

par la librairie un point un traitwww.unpointuntrait.fr

Sans un bruit 2

Film de John Krasinski (USA). Avec Emily Blunt, Cillian Murphy, Djimon Hounsou… Genre : Thriller, Fantastique – Durée : 1 h 38. Sortie salles : 18/03/20

Résumé : Après les événements mortels survenus dans sa maison, la famille Abbott doit faire face au danger du monde extérieur. Pour survivre, ils doivent se battre en silence. Forcés à s’aventurer en terrain inconnu, ils réalisent que les créatures qui attaquent au moindre son ne sont pas la seule menace qui se dresse sur leur chemin.

L’avis :

Non ce n’était pas un simple BRUIT de couloir, la suite du premier opus était bel et bien sur les rails. Preuve en est, elle arrive sur nos écrans, enfin, ajouterai-je même. 

Juin 2018, je me souviens, au fil de mes visionnages de BA pour ce cher Mag, avoir eu un coup de cœur pour cette famille en cavale qui devait la fermer pour ne pas se faire emporter par un “je ne savais pas trop quoi” à l’époque. Film à budget réduit, le réalisateur s’appuyait davantage sur le suspense que sur la grandiloquence des effets spéciaux. Qu’importe, je trouvais l’idée intéressante et me suis donc empressé d’en faire mon pari du mois. Evidemment, tenir en haleine les spectateurs durant 90 mn sans mot dire, sacrée gageure de la part du réalisateur (et des scénaristes) et des producteurs qui ont financé le projet. D’accord, je ne cache pas que la présence au casting d’Emily Blunt (Victoria, Petits Meurtres à l’anglaise, L’Agence, Des saumons dans le désert, Looper, Edge of Tomorrow, Sicario, La Fille du train, Le Chasseur et la Reine des glaces, Le Retour de Mary Poppins, Jungle Cruise) a quelque peu perverti mon objectivité mais l’ensemble me semblait cohérent, invraisemblable mais cohérent ! Donc… Et puis, il y a des choses qui ne s’expliquent pas, feeling, intuition, que sais-je et bingo gros carton mondial, 336 millions de $ de recettes pour un investissement de 17 millions. Et là, tapis rouge pour le réalisateur, l’actrice, etc. Et forcément une suite que j’ai hâte de découvrir. Les bégueules diront “encore une histoire de pognon, où est l’art (septième du nom), etc.” Mais, perso, je m’en tape, ce n’est que du cinoche après tout et si je passe un bon moment dans mon ciné préféré, c’est déjà ça de pris dans ce monde qui part en c… !

Alors que dire de cette suite ? Il est vrai que le premier film se suffisait à lui-même, mais comme dit précédemment, les impératifs économiques ont fait bouillonner l’esprit des scénaristes et… des producteurs ! Une bonne chose toutefois, Krasinski (Brief Interviews, The Hollars, Sans un bruit) est toujours aux manettes et je pense qu’il a eu le pouvoir de préserver son “bébé”. 

Au vu de la BA, à contrario du premier, un huis clos angoissant, ce deuxième volet élargit son horizon et met en scène de nouveaux personnages. Cillian Murphy (28 jours plus tard, Red Eye, Le vent se lève, Sunshine, Peaky Blinders) et Djimon Hounsou (Amistad, Blood Diamond, Forces spéciales, Serenity) complètent la distribution. Pas mal !

Le budget aidant, les créatures semblent être plus présentes et, il paraîtrait que leur origine serait dévoilée. Logique à mon sens puisque cela apporterait de la profondeur au propos et pourquoi pas annoncer une saga dans la lignée de celles “inépuisables !!!” des super héros ou autres dinosaures.

J’ai beaucoup aimé le n°1 parce que bien tourné, bien joué, suspense bien dosé, intrigue bien ficelée, ellipses bien pratiques (mais bon, nous savons bien que l’ellipse est la base même du cinéma !) alors pourquoi le n°2 me décevrait ? Même réalisateur, mêmes scénaristes, mêmes acteurs principaux, mêmes bébêtes à l’ouïe fine, “y a pas de raison !”. Et puis, feeling, intuition, à n’en pas douter sa sortie va faire du BRUIT !

Par Claude Bermejo