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L’idée livres (1) – n°183

LES TROIS FENÊTRES de Jean-marie Nicolle

Essai – Broche : 130 pages
Éditeur : IPagine
Partion : janvier 2021
ISBN-13 : 979-1097023669

Jean Marie Nicolle est un philosophe, spécialiste du penseur du quinzième siècle, Nicolas de Cues. Dans cet ouvrage, il s’interroge sur la notion métaphorique de la fenêtre à travers trois étapes : le temple, le tableau et nos écrans connectés. C’est donc à la fois un voyage intellectuel dans l’évolution des intermédiaires entre nous et le réel, entre l’Antiquité et aujourd’hui, mais aussi une réflexion sur l’attitude que nous devrions avoir face à ces “fenêtres” sur le monde envahissantes que sont les smartphones. Comment rester indépendant ? Des pistes sont proposées.

Lire un ouvrage de philosophie est toujours stimulant, surtout lorsqu’il s’intéresse à nos vies quotidiennes. Celui-là va au-delà : il nous propose d’abord de revenir sur ce qui a fondé les premières fenêtres spirituelles avec les temples de l’Antiquité et de la chrétienté, puis ce que l’invention de la perspective a permis à partir du quinzième siècle : la naissance du sujet qui interprète le monde. Mais là où le livre devient vraiment mordant, c’est dans son analyse de l’impact de l’informatique (c’est-à-dire le traitement de l’information et non la maîtrise des connaissances) et surtout l’emprise des géants du net dans nos existences, pillant et revendant des informations sur nos vies privées. Le livre est d’autant plus stimulant qu’il est clair et assez court pour ne pas perdre ceux qui redoutent la lecture des livres de philosophie. Il donne l’impression de s’endormir moins bête une fois refermé car il a le souci de donner des conseils pratiques pour échapper à l’hydre qu’est devenue Internet. 


LE SILENCE DE LA VILLE BLANCHE de Eva García Sáenz de Urturi 

POLAR – Broché : 560 pagesÉditeur : Fleuvenoir
Parution : septembre 2020
ISBN-13 : 9782265144316

Dans la cathédrale de Sainte-Marie à Vitoria, un homme et une femme d’une vingtaine d’années sont retrouvés assassinés, dans une scénographie macabre : ils sont nus et se tiennent la joue dans un geste amoureux alors que les deux victimes ne se connaissaient pas. 

Très belle découverte. Un démarrage original, une suite captivante et un final à la hauteur. Des personnages forts et attachants, une découverte des coutumes basques et visite du pays sans ennui, que demander de plus ? : Que ce cinquième roman de l’auteure (mais premier roman traduit en français), soit le début d’une longue série ? Oui ! 


CE LIEN ENTRE NOUS de David Joy

DRAME – Broché : 304 pages
Éditeur : Sonatine
Partion : septembre 2020
ISBN-13 : 978-2355847295 

Le point de départ de Ce lien entre nous est le meurtre accidentel de Carol Brewer par Darl Moody, alors qu’il braconne. Celui-ci va paniquer et cacher le corps avec l’aide de son meilleur ami. Le frère du défunt, connu pour sa violence, aura vite fait de remonter la piste des deux hommes…

David Joy est un jeune écrivain américain et Ce lien entre nous est son troisième roman. Ses livres se déroulent tous dans la région des Appalaches, territoire vaste et hostile, et mettent en scène des personnages ordinaires, souvent d’origine modeste et en proie à des addictions, dans des situations extrêmes. 

David Joy explore les limites de notre humanité dans un style percutant, le rythme est implacable et s’accélère jusqu’au dénouement final. Un roman très noir mais également très touchant, dont l’ambiance et les personnages nous hantent longtemps après avoir tourné la dernière page.


Dr. STONE de Riichiro Inagaki et Boichi

Shõnen – Manga – 208 pages Éditeur : Glénat
Parution : avril 2021
ISBN-13 : 978-2344045404

Senku réalise une expérience dans la salle de chimie de son école. Son meilleur ami Taiju est sur le point d’avouer ses sentiments à Yuzuriha. Mais avant qu’il ne puisse faire quoi que ce soit, tous les humains de la planète sont instantanément transformés en statues de pierre.  

3700 ans plus tard, Senku se réveille mystérieusement. Il découvre une terre où la nature a repris ses droits, où la technologie a disparu et où la science a été oubliée. Mais pas pour Senku, lui qui construisait des fusées miniatures à 6 ans. Après avoir réussi à “dé-pétrifier” ses amis, il décide de reconstruire une civilisation nouvelle à l’aide des méthodes scientifiques.

Nombreuses sont les péripéties et les défis que nos héros devront relever. Les rencontres ne cesseront pas de nous surprendre et l’intrigue nous tiendra en haleine sur toutes les planches de chacun des tomes. Des personnages attachants aux personnalités variées, dans un monde improbable dévasté par le temps…


par la librairie un point un traitwww.unpointuntrait.fr

Fêtons-nous ce qu’il faut ?

2019 va s’achever avec son lot de célébrations… Parmi les marronniers, ces sujets récurrents qui alimentent artificiellement la presse et les animations télévisuelles, il en est un que j’aime beaucoup plus que d’autres. J’abhorre les bêtisiers qui, d’année en année, s’épuisent à nous montrer les pires moments d’émissions déjà pas terribles au départ, ou les bilans des images fortes de l’année, si fortes qu’il faudrait vraiment vivre au pôle nord dans un igloo non connecté et sans porte (histoire d’être sûr que même les chiens de traîneau ne sont pas en train d’en parler !)… Ces images qu’on ne risque pas d’oublier, vu qu’elles nous ont été bombardées 980 fois par jour entre tous les médias dont les hypnotiques chaînes d’info, et leurs experts qui ont avalé un enregistreur.

J’accueille avec beaucoup plus de plaisir l’annonce des célébrations-anniversaires de tout événement ou personnalité ayant eu une importance artistique, scientifique, politique, etc. En effet, à priori dans ce domaine tout tombe quasiment au hasard, obligeant à réfléchir à l’intérêt d’un sujet autant que l’intérêt que pourrait spontanément porter le public à l’événement s’il en a le souvenir ou la connaissance.

“It’s now or never”. Dans cette loterie temporelle on peut dégoter enfin des raisons surprenantes de s’émouvoir, de reparler ensemble, de creuser des thèmes que l’on aime bien. Hélas les réseaux sociaux ne nous balancent pratiquement que des anniversaires de décès de personnes de notre époque. A quand un Facebook où l’on pourrait prendre comme ami Socrate ou Jules Verne, Greta Garbo ou Elvis ? Dommage ils sont morts, enfin, pour le dernier il paraît que ça n’est pas si sûr… Le King sur Facebook avec un pseudo ?

Coté célébrations certaines en 2019 ont été lamentables. Les 130 ans de la tour Eiffel ont été fêtés par Stéphane Bern dans un déluge de reprises sans intérêt (sauf peut-être à la fin, mais j’avais changé de chaîne !), massacrant morceaux sublimes et C.V. d’artistes qui valent mieux que cela. Dont un Obispo qui semblait imiter Dutronc, sans avoir compris une seconde que “5 heures du mat” est une description vivante des matins parisiens que l’on ne peut qu’interpréter qu’en rayonnant de fatigue, de nonchalance, d’étonnement, de provocation… Il nous l’a débité comme l’horaire des trains par un gréviste longue durée obligé de reprendre le taf, sans une once de réponse positive à ses doléances…

Côté cinéma et littérature, ce n’est pas beaucoup plus glorieux. Le bicentenaire du Frankenstein de Mary Shelley laisse de grosses cicatrices sur les fronts désolés des cinéphiles. Ils n’auront eu que des évocations monstrueusement fades de la créature qui, depuis James Whale en 1931, voire Edison en 1910, n’a jamais eu droit à une version moderne réussie comme Dracula (par Coppola) ou le récent Joker. Le Frankenstein de Kenneth Branagh en 1994, avec un De Niro qui aurait mieux fait de s’abstenir comme créature, pour moi ne “cassait vraiment pas des briques”… Occasion manquée.

Pour les cinquante ans du premier pas de l’Homme sur la Lune, on a eu deux ou trois trucs pas mal mais rien d’immortel non plus.

Quant à Cyrano, mon Cyrano adoré, ce gentilhomme curieux, savant, utopiste, dramaturge et poète né en 1619 : rien… niet… que dalle ! 400 ans qu’il utopia, bretta, planta sa plume dans les encres noires et sépias et sa rapière dans les ennemis de la France (au siège d’Arras)… on aurait au moins pu le fêter en Occitanie, pour deux raisons : pour sa soi-disant naissance à Bergerac (même s’il était dans la réalité parisienne) ou parce que son héros, Dyrcona (anagramme de Cyrano), est censé s’être envolé de la prison de Toulouse grâce à une incroyable machine volante qui prédisait, avec des siècles d’avance, l’invention de la montgolfière, du panneau solaire et des accumulateurs d’énergie.

2020 nous voilà ! Allez, vous avez droit à une année de rattrapage ! Ne la ratons sous aucun prétexte car il y a du lourd ! C’est déjà le centenaire des années 1920.

Vont naître aussi, par exemple, en 1920 quelques piliers de la science-fiction, du fantastique et d’une littérature débridée : Isaac Asimov, Ray Bradbury, Charles Bukowski, Boris Vian. C’est aussi le centenaire des films cultes (muets) Docteur Jekyll et M. Hyde et Le Golem.

Vous voulez que je parle de la région ? Ce sera le cinquantenaire de L’enfant sauvage de Truffaut, ce cher Victor de l’Aveyron. Le réalisateur français avait magistralement porté à l’écran les travaux du docteur Itard sur l’enfant-loup, cet équivalent français du célèbre Mowgli. Le cinquantenaire aussi du THX 1138 de George Lucas, visionnaire film d’anticipation, qui annonçait avec fracas que le monsieur avait un bon avenir cinématographique devant lui !

2020 sera aussi, beaucoup moins spectaculairement, le cinquantenaire d’un téléfilm complètement suranné mais que j’adore : “Tout spliques étaient les Borogoves” de Daniel Le Comte. L’argument de cette production française inspirée d’une nouvelle de Lewis Padgett, est un vrai jeu de piste. D’une part, parce que Lewis Padgett n’existe pas. Il est le pseudonyme de deux écrivains américains de scientifiction de premier plan. D’autre part, parce que ce récit fut traduit par Boris Vian (“Tout smouales étaient les Borogoves”) et qu’il était inspiré auparavant encore par des vers de Lewis Carroll, que l’on trouve dans De l’autre côté du miroir, la suite de Alice au pays de merveilles. C’était l’histoire du monstre Jabberwocky. Certains connaissent sans doute l’excellente évocation des Monty Python. Revenons au téléfilm : des parents ont un garçon et une fille taciturnes, qui se prennent d’intérêt un jour pour le montage d’une espèce de Lego dont les pièces viennent d’on ne sait où. Au fur et à mesure de la fabrication d’un objet mystère qui finit par inquiéter les parents, les enfants deviennent de plus en plus étranges. Il sera trop tard, bien trop tard, lorsqu’ ils comprendront que leurs enfants introuvables ont disparu dans une autre dimension grâce à l’engin terminé.

Si je me permets de le raconter c’est que ce genre d’histoire est très courant. Mais à l’époque, un pitch aussi menu comme support d’un film, c’était rare. Mais c’est surtout pour l’ambiance O.R.T.F. de l’année 1970, qu’il vaut désormais son pesant d’or et peut-être aussi que ce sujet prend un nouveau sens aujourd’hui, si l’on considère que pas mal d’enfants ont disparu depuis une quinzaine d’années grâce à de petites machines lumineuses qu’ils ne lâchent plus, voyageant dans d’autres dimensions où nous ne les reverrons peut-être jamais, alors qu‘ils n’ont aucun problème pour communiquer avec l’autre bout de la planète ! 

Il y eut aussi un joli “feu d’artifice” en avril 1970, avec l’explosion des réservoirs d’Apollo XIII et Houston qui se trouve face à un méga problème alors que, sur la même période, le Soyouz 9 soviétique établit un nouveau record de durée dans l’espace (17 jours). C’est aussi les cinquante ans du premier ordinateur d’IBM à circuit intégré.

Un demi-siècle que Jacques Monod publiait Le hasard et la nécessité, essai sur la philosophie naturelle de la biologie moderne.

Coté C le MAG, nous venons de fêter les 16 ans, mais bon ça c’est comme tous les parents, ils surenchérissent sur les moments qui comptent pour eux. Passez de bonnes fêtes pour le 2019e anniversaire du saint rejeton né de la divine G.P.A.

Par Frédéric Feu