Ged

Nika leefgang project

Grungy pop / rock / Clermont l’Hérault

Formation :

Nika Leeflang (chant, guitare) Romain Preuss (guitare, chœurs) Aymeric Severac (basse, chœurs) Yannick Gomez (batterie)

Discographie :

7 songs (2009)  / Hey right ! (2017) / Bad sunday (2021)

Mine de rien, depuis 7 songs, cela fait plus de douze ans que l’on suit Nika et ses multiples projets. On l’avait laissée partir chanter en tournée avec les LIMIÑANAS, alors qu’elle avait aussi sorti de son côté un EP (Hey right!) manière de donner signe de vie, mais voilà que soudain le disque nouveau atterrit en 2021 (franchement ces dates, on dirait de la science-fiction, la situation apocalyptique y mettant du sien pour se la jouer dystopique…), sans crier gare et après bien des péripéties, la chose était là, dans la boîte aux lettres ! Si le dimanche, c’est écrit, était mauvais, le lundi s’annonçait prometteur avec ce PROJECT se dévoilant enfin via des baffles qui attendaient ça depuis un bon moment. Et pour la première fois le format est considéré comme un longue-durée, de quoi plonger plus profondément dans l’univers de la formation née récemment autour de l’aimant Nika.

La voix d’or clermontaise d’origine néerlandaise nous fait encore le coup de la lascivité irrésistible, tandis que sa guitare rappelle qu’elle vient – et y reste fortement ancrée -, du rock. Particulièrement celui de cette charnière pop / noisy / grungy liant années 1980 et 90, les PIXIES, PJ Harvey, Beck, BREEDERS, mais on croise d’autres fantômes (celui de Gainsbourg semble planer au-dessus de l’introductif Bad sunday tandis que le psychédélisme hanterait presque les superbes Never tell it et Old stones). On n’a toujours pas choisi si on préférait les paroles en français ou en anglais, ces deux facettes se montrent complémentaires et possèdent chacune un charme particulier, un peu comme chez MADEMOISELLE K avec qui le groupe de Nika partage ce don pour imprimer ses morceaux dans les crânes sans user de facilité, sans hésiter à se montrer piquant.

L’enfermement généralisé n’a pas inspiré à Nika que des chansons guillerettes, loin s’en faut, mais on recommande malgré tout ce très bon Bad sunday, fenêtre atypique et authentique vers ce que pourrait être le monde si on se retrouvait dans la peau de l’artiste, fine observatrice du climat, de ses contemporains, elle se livre aussi personnellement sans que le disque ne tourne à l’auto-thérapie, on y voit plus un carnet de pensées posées sur papier, un chapitre-carte postale envoyant de douces pensées malgré des déconvenues inhérentes au show-business. Nika prouve qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même : bien ouèj !   

Cette fois-ci la distribution de l’album est assurée par M.A.D / [PIAS], les commandes sont donc aussi possibles auprès de votre disquaire (acheter des disques, c’est soutenir la culture !). Ah et puis tiens, au passage, les amateurs de clips vidéo devraient fureter sur Youtube…!

Par Ged

Nanarland – Le Livre des mauvais films sympathiques

Manufacturée sous la glorieuse forme d’une VHS (empoigne donc un dico, mon trop jeune ami…) et glissée dans un fourreau ouvrant splendide, cette émanation de papier du site Internet du même nom livre en pâture aux (bis)cinéphiles une sélection de cinquante bandes totalement déglinguées et autres perles du non-sens, réparties en sept catégories aussi hautement recommandables les unes que les autres : les films-culte de la rédaction, les copies sans vergogne, les super-héros, les monstres, les films d’horreur, les « films polissons » et enfin les « films d’auteur ».

Avec l’humour qui caractérise l’équipe, on découvre d’improbables titres venus du monde entier – souvent doublés par d’étranges personnages en français – qui raviront les insatiables fans de série B, voire plutôt Z. À lire aussi des extraits d’interviews qui complèteront les articles déjà plutôt informatifs. Le tout est bourré d’illustrations qui raccourcissent par contre la lecture d’un volume que l’on aurait vu, en grand gourmand, plus fourni mais on suppose qu’un deuxième volume viendra tôt ou tard terroriser les bacs, on en reparlera bien sûr à l’occasion. Pour ceux qui, mécréants, ne jurent plus que par l’écran, conseil leur est donné de se précipiter sur le site hilarant et érudit à la fois fournissant l’avantage d’héberger de la vidéo. Qui ne pouffera pas devant ces joyaux turcs, hongkongais (ou même français !) a forcément un problème de zygomatiques.

Par Ged

Batman – Killing Joke

Batman – Killing Joke
de Alan Moore et Brian Bolland

Un type comme Tim Sale ne peut s’y tromper, d’ailleurs n’a-t-il pas lui-même dessiné quelques albums marquants de la chauve-souris ? Il prévient en préambule : « Killing Joke n’est pas seulement une excellente aventure de Batman, mais un objet fondamentalement différent », qui a été publié directement sous forme de Graphic novel (ou album, un format carrément inhabituel dans le domaine du comics). Et pour cause : le passé du Joker, chapitre pour ainsi dire vide de son dossier, est ici éclairci au moyen de flash-backs en noir et blanc, on assiste à la naissance du monstre en direct ou presque ! Batman s’interroge… « Comment peut-on se haïr à ce point sans même se connaître ? », that’s the question, et le Joker a sa réponse : « Ce n’est qu’une blague ! Tout ce en quoi nous croyons, ce pourquoi nous luttons… Ce n’est qu’une horrible, monstrueuse farce ! C’est si drôle, tu ne le vois pas ? ». De toute façon, dans un tel combat, « il faut savoir raison perdre ». Brian Bolland lui-même se charge de la postface, ajoute quelques infos et la dose d’humour nécessaire (saleté de compteur de caractères !). Suivent aussi le court récit « Un parfait innocent » publié pour la première fois en couleurs et « Les Dossiers secrets de Brian Bolland » (croquis de travail, essais d’encrage / colorisés accompagnés de liner-notes), puis des biographies concluent le bouquin. Un bien bel album que nous recommandons chaudement aux fans de Batman, et surtout du Joker.

Par Ged

Croyez-moi, je vous mens : confessions d’un manipulateur des médias

Le conseil de Ged :

Croyez-moi, je vous mens : confessions d’un manipulateur des médias
de Ryan Holiday

L’auteur s’explique : « J’ai vécu très confortablement dans cet univers, et j’avais foi en lui jusqu’au jour où j’ai réalisé que je ne le reconnaissais plus. Beaucoup de choses avaient changé. Dans cette histoire, je ne sais pas où commence et où finit ma responsabilité, mais je suis prêt à vous raconter ce qui s’est passé ».
Nous vivons une époque bizarre où les benêts gobent les pires idioties possibles et surtout, « le monstre est capable de se nourrir tout seul », propagent telle une peste électronique des bêtises encore plus grosses qu’eux. Certains prétentieux se transforment même en super-conscients (les spécialistes des méchants “ils” qui nous manipulent, blablabla…). D’un autre côté, nous vivons aussi dans un monde où de bien plus malins sont payés pour faire croire que, instaurer un climat de, favoriser le buzz ou l’indignation tout en se foutant complètement de l’impact sur les moutons qui prennent tout pour argent comptant sans jamais vérifier sources et informations. Pour prendre une revanche il suffit de lire ce livre, car Ryan Holiday est désormais un cynique repenti, du moins essaie-t-il, et livre ici mémoires et techniques qui au nom, sacré !, du dollar, font et défont sans scrupules idées ou gens. Churchill disait de certains « chacun d’entre eux nourrit le crocodile en espérant qu’il sera le dernier à se faire dévorer ».
On pourrait simplement ajouter « plus dure sera la chute » si on ne prend pas garde.

Adieu, Palmyre

Adieu, Palmyre de Dominique Fernandez et Ferrante Ferranti

La critique de Guillaume Dumazer
« Dans un voyage, c’est la première émotion qui compte, la rencontre personnelle des lieux. Il sera bien temps, rentré chez soi, de se documenter. Les doctes font un travail inestimable, mais nous empêchent d’éprouver par nous-mêmes. L’émerveillement commence par un choc physique. Le plus ignare, à Palmyre, était saisi par la grandeur du paysage, les alignements de colonnes émergeant comme en plein jour de l’obscurité, la pâleur du ciel qui restait lumineux une fois le soleil éteint ».

À l’annonce de la destruction d’une grande partie de la mythique cité de Palmyre, les auteurs de ce livre, qui tient par son ton du guide amoureux, ont réuni leurs connaissances et leurs souvenirs ainsi que de nombreuses photographies magnifiques d’un lieu sûrement perdu pour toujours à cause de la profonde débilité du fanatisme religieux ou politique qui de tout temps frappera les vestiges du passé dans une furie aveugle de tabula rasa. Que penserait aujourd’hui Zénobie, mythique souveraine arabe de Palmyre, qui osa tenir tête à l’empire romain d’Aurélien, des iconoclastes au burin et surtout à la masse, qui usurpent aujourd’hui le pouvoir au nom d’un dieu qui décidément a bon dos ? Elle ne pourrait que se ranger à l’avis de l’auteur : « les religions, quelles qu’elles soient, n’ont été que trop souvent des prétextes à persécution. Sous l’évangile d’amour et de paix, elles ont propagé la haine et la guerre ». Et anéanti Palmyre.

Daddy Love de Joyce Carol Oates

« Elle était tombée amoureuse de Perry  » Whit  » Whitcomb à l’âge de vingt-trois ans. Elle n’avait jamais été amoureuse auparavant et elle en avait été profondément bouleversée, et cependant : ce n’était pas comparable à l’amour nourricier, à l’amour désespéré qu’on éprouve pour un enfant ». Mais cet enfant chéri, Robbie, cinq ans, lui est soudain arraché par le prédateur Chester Cash, prédicateur ambulant et déviant au service de l’Église de l’Espoir éternel, mais qui préfère qu’on le nomme Daddy Love quand on est le malheureux prisonnier de sa vierge de bois. Suffisamment charismatique pour embobiner son monde car habité par une double personnalité démoniaque, il cache un cerveau totalement dérangé mais très inventif. Tout le long de ce roman conforme à l’écriture précise et profonde de son auteur, on suit le calvaire des parents de “Gideon” (c’est le nom que Daddy Love a donné à Robbie), en particulier celui de la mère estropiée par la voiture du tueur lors de sa fuite, mais aussi le conditionnement de l’enfant auprès de son kidnappeur qui, semaine après semaine, s’impose comme un père tout en ayant des vues bien plus cruelles que celles de l’éducation : torture mentale et physique, sévices sexuels compris. Un roman fort et dur, à la limite de l’horreur sans les artifices du genre, qui pose la question du devenir de ces êtres enlevés par les criminels de la pire espèce, mais aussi de ceux qui restent, seuls, face à la solitude intérieure, en proie à la culpabilité, au regard des autres et qui ne se répareront jamais vraiment malgré tous leurs efforts.

Daddy Love de Joyce Carol Oates
Editions : Philippe Rey – Parution : 2016

 

Par Guillaume

Les Désaxés de Dominique Hennebaut

La critique par GED

L’avertissement en couverture, tout comme le titre d’ailleurs, est clair : « si vous tenez à votre peau, assurez-vous de ne jamais croiser leur chemin ». Et l’auteur et l’éditeur n’ont pas tort de prévenir, parce que la galerie de personnages présentée par Marilyn et Johnny Fury regorge de salopards de la pire espèce et de timbrés notoires. Jugez du peu : Jimmy adore tabasser le frêle Eddy, Harry aime pourrir la vie de son épouse Leslie, la grand-mère de Keny a une franche tendance à la mythomanie, Gloria tyrannise et fait systématiquement tourner son amant en bourrique, Diego aurait dû comprendre qu’il ne faut jamais dire jamais, l’institutrice Miss Ross a une curieuse façon de professer, Thomas Richmond revisite l’esprit de Noël à sa manière tandis que la maman d’Ignatus n’a pas grand respect pour le corps du “Christ” quand elle l’a sous la main malgré une dévotion des plus fanatique. Délicieusement noires, ces courtes histoires ne manquent ni d’humour cruel ni de dialogues efficaces – on verrait bien ça sur un écran – tandis que le dessin, narquois et dans un esprit proche du pulp / comics à l’ancienne, croque brillamment les frappadingues et les pourritures. On note aussi de nombreuses références cinématographiques. Et si les lecteurs de la revue Aaarg! en connaissent déjà la teneur, les amateurs de bande dessinée déjantée auront plaisir à les voir réunies dans ce recueil soigné, à noter qu’en bonus des dessins pleine page séparent les chapitres, n’hésitez pas à jeter un œil là-dessus !

La Marseillaise de Serge Gainsbourg, Anatomie d’un scandale de Laurent Balandras

Livres - balandras marseillaise

2016 marquera déjà les vingt-cinq ans de la mort de Serge Gainsbourg, time flies… Ce livre revient, outre un rappel historico-biographique soigné, sur le double scandale médiatique qui implique l’homme à la tête de chou à la charnière des années 70 et 80 : en 1979, sur l’album qui porte le même nom paraît la chanson Aux armes et caetera qui n’est autre que la Marseillaise version reggae, vous parlez d’un scandale quand la France bien-comme-il-faut, encore souvent héritière de la pensée vichyste, s’empare de l’affaire ! Le tintouin empirera même en 1981 quand le chanteur se porte acquéreur du manuscrit original de l’hymne national, signé de la main même de Rouget de Lisle. Ce chouette bouquin rassemble une collection de documents d’époque (photos, tracts, articles de presse, lettres entre louanges et haine…). Le Gainsbourg de cette époque, bonhomme à la veste kaki et au paquet de Gitanes, n’était pas connu pour se faire remarquer pour ses éclats, il suffira de revoir les images du concert de Strasbourg (janvier 1980) face aux paras qui l’ont fait annuler, pour se remettre dans l’ambiance. Cette Marseillaise, qu’on s’approprie parfois stratégiquement, n’appartient à personne sinon à tout le monde et le texte de Laurent Balandras rejoint dans ses choix de mots le caractère profondément rebelle d’un Gainsbourg qui ferait sûrement une drôle de tronche devant le boxon actuel et ce que l’on fait de son pays d’adoption qu’il adorait, sans parler de son hymne servi à toutes les sauces.

 

Par Guillaume Dumazer

Le Contrat Salinger de Adam Langer

Livre - langer contrat salinger

Tout d’abord on découvre l’envers du décor de la vie d’un écrivain célèbre sur le déclin et celui d’un autre qui est passé depuis longtemps à autre chose, les deux connaissances se retombent dessus lors d’une signature et tout n’est pas vraiment le fruit du hasard là-dedans car l’improbable s’est produit : un homme d’affaires louche plein aux as et grand collectionneur, Dexter Dunford, propose au premier de ces messieurs, Conner Joyce, d’écrire un livre qui ne sera lu et possédé que par lui, moyennant une somme énorme et quelques conditions comme le secret absolu sur l’accord. Pressentant forcément un traquenard dans ce “contrat” qui aurait été, aux dires du mystérieux “Dex”, signé précédemment par d’immenses auteurs comme Norman Mailer, Thomas Pynchon ou J. D. Salinger, Conner s’en ouvre à son “pote” Adam Langer qui raconte, à son tour, cette histoire troublante dans ce roman où il est le principal – et inquiet – narrateur. Diablement astucieux dans sa construction – il est vrai gigogne – polyphonique et tout en crescendo, Le Contrat Salinger est la bonne surprise dans le rayon polar de ces derniers mois avec cet incessant jeu de yoyo entre fiction et réalité, et un beau jeu de dupes entre les personnages, profonds et torturés, qui se débattent au fil de ces agréables pages. Et puis, si le monde de l’édition et ses requins, ainsi que la pseudo-crise qui les menacerait si fort, se font égratigner au passage, c’est tant mieux.

Par Guillaume Dumazer

Chronique(s) de nulle part

Livre - Starsky Rica Chroniques

de Starsky, Rica et Tocco

« Alors je me suis dit qu’on en avait rien à foutre de comment finissent les histoires. C’est comment elles commencent qui nous importe ». Rédacteur en chef de la revue marseillaise Aaarg ! dont on a déjà parlé dans ces pages, Pierrick Starsky se voit obligé, quand un auteur se désiste au dernier moment, de remplacer une bande dessinée au sommaire. On n’est jamais mieux servi que par soi-même, c’est donc un de ses propres récits, qu’il garde dans un coin de la tête depuis un moment, qu’il propose au dessinateur Rica. Ainsi naît Un pays quelque part, le premier chapitre de ces sombres Chroniques. Le travail du duo est si complémentaire que les récits suivants, qui se recoupent quelquefois, sont créés avec ce même résultat d’évidence : quelle réussite dans la noirceur et la violence des climats des nouvelles qui sont superbement mis en images par le dessin en noir et blanc puissant de Rica, puis par les couleurs de Tocco, choisies par celui-ci après mûre réflexion ! Les récits se déroulent dans un endroit que l’on situerait dans le Nord où les vies brisées, la misère sociale ambiante et une météo maritimo-grisâtre ne sont pas là pour remonter le moral vacillant des habitants de l’estuaire. Pour certains « royaume de la crasse, des rats et des faits divers dégueulasses », on y trouve pourtant une force humaine prête à être libérée face à un destin qui ne fait pas de cadeau et qui mérite bien de temps en temps que quelqu’un lui fasse un pied de nez, voire pire.

Par Ged