écolo

Questions à Laure Noualhat

Dans le cadre de la venue de Laure Noualhat à la librairie un point un trait le samedi 25 septembre, nous avons questionné l’auteure sur son engagement écologique.

C le MAG : Vous êtes journaliste, écrivaine, réalisatrice, vous avez co-signé avec Cyril Dion le film “Après demain”, et les questions sur l’environnement ne vous laissent pas indifférente. Pourquoi faudrait-il éviter la fin de l’humanité, au risque de ne plus pouvoir faire des rallyes en 4×4 sur le bord des plages ?

Laure Noualhat : Je m’échine à vouloir éviter la fin de l’humanité pour les vacherins à la framboise, les tableaux de Jérôme Bosch, le risotto à la scamorza fumée, tous les albums de Charlélie Couture et tous les livres de Joyce Carol Oates, les films de David Lynch ou l’humour de Pierre Desproges. J’accorde tout mon crédit d’affection, sans appel, à Cent ans de solitude ou au Maître et Marguerite mais aussi au caramel au beurre salé qu’on ne trouve nulle part dans l’univers (tout comme le pâté en croûte d’ailleurs). Les humains qui pratiquent les rallyes en bord de plages peuvent y passer, peu me chaut tant qu’il restera de quoi siroter des pisco sour sur la même plage devant le plus brûlant des couchers de soleil en compagnie de mes plus chers amis. Et ils se comptent sur les doigts d’une main tchernobylisée.

ClM : Est-il plus facile d’être écolo en ville là où la campagne est loin, ou à la campagne quand la ville est loin ?

L.N. : Franchement, il n’y a que par chez vous que la campagne et la ville sont éloignées ! Je ne connais plus guère de corridors écologiques qui distinguent aussi nettement les deux mondes… Mais pour répondre à votre question, je dirais qu’il est difficile d’être écolo partout car dans ce vingt-et-unième siècle tordu, nous vivons un millefeuille d’incohérences majeures. J’ai souvent pensé que le suicide était le seul véritable geste écolo qui n’appelait aucune contradiction. À ceci près que ce geste définitif nous ôtait le pouvoir de débattre !

ClM : Est-ce que l’écologie supporte l’humour quand la fin du pétrole se fait attendre ?

L.N. : L’écologie n’échappe pas à la règle du monde : comme votre couple, l’économie ou la cuniculture, elle a besoin d’humour et de dérision, elle a besoin de cette petite “politesse du désespoir” qui met à distance le pire. Cela dit, vous avez raison, la fin du monde se fait attendre… mais j’ai confiance, elle ne nous décevra pas.

ClM : Bridget Kyoto1 est-elle née avec les accords de Jones ?

L.N. : J’ai mis dix minutes à comprendre la question. Mon avatar et anxiolytique majeur, Bridget Kyoto, est la veuve symbolique du protocole de Kyoto, elle propose une Minute nécessaire sur YouTube en hommage à notre maître à tous, Pierre Desproges. Elle traverse la vie avec son humour jaune, noir ou vert en bandoulière. Comme sa cousine Bridget Jones, elle compte ses kilos – mais de CO2 – vit sous perfusion de vin rouge – mais nature – et cherche l’amour inconditionnel – mais envers l’ensemble du vivant et pas à l’endroit d’un seul mâle alpha. Bridget vit dans le vide intersidéral des réseaux sociaux. Elle est la petite fille de Mamie Collapse, qui arrive bientôt pour vous dérider sur la question de l’effondrement.

ClM : En pleine pandémie, vous avez écrit “Comment rester écolo sans finir dépressif”. Y a t-il une cause à effet ?

L.N. : Je l’affirme avec force, pour un écolo radical qui a passé sa vie à s’engager, la catastrophe est la meilleure façon de sortir de la dépression. C’est bien normal, elle prouve qu’il ou elle n’était pas complètement schizophrène ou borderline, ni fou. N’est-ce pas freudien de jouir d’avoir raison ?! A chaque catastrophe, je couine de joie : Fukushima, inondations, incendies majeurs… C’est fou comme je vais bien ces temps-ci !

ClM : La décroissance est elle une idée croissante ?

L.N. : Tout à fait. La croissance de la déconstruction du monde est sans fin, sans limites. Comme une forme de grâce à être et à rester debout, nous devons – oui, nous devons – envahir chaque interstice politique qui s’offre à nous, marteler sans relâche que nous sommes du côté du Vivant et que nous nous battrons jusqu’au bout. Vu que nous allons tous y passer !

ClM : Pourquoi être écolo rend dépressif, alors que la mode littéraire propose l’écologie comme solution à la déprime libérale, c’est par où la sortie ?

L.N. : Ah oui ? La mode littéraire propose l’écologie comme solution à la déprime libérale ? Je trouve que vous oubliez un peu vite les best-sellers d’Éric Zemmour et de Luc Ferry ! Mais il est vrai que l’ensemble des éditeurs a enfin compris qu’il y a un filon. Et les libraires doivent désormais faire de la place sur les rayonnages pour les bio-best-sellers. Beaucoup d’ouvrages de solutions relativisent l’ampleur du mur qu’on va se prendre, d’autres sont riches de constats délétères, dans les deux cas, c’est une excellente nouvelle. Exploiter nos plantations d’arbres – que je n’ose appeler forêts – pour en faire de la pâte à papier sur laquelle imprimer que “sauver les conditions de vie sur Terre est une nécessité vitale” fait partie de la beauté de l’oxymore actuel. J’adore cette époque.

ClM : Faut il craindre la collapsologie, soutenir l’effondring et baigner dans la solastalgie ?

L.N. : Je vous vois venir : “ne vous complaisez-vous pas dans la déréliction du monde, chère Laure ?” Je m’appuie souvent sur la citation que Goethe n’a jamais écrite mais que tout le monde lui attribue: “Quoi que vous croyiez, quoi que vous fassiez, faites-le ! L’action porte en elle magie, grâce et pouvoir”. Voilà le bain le plus digne du moment : l’action, même infinitésimale, même ridicule… elles le sont toutes au regard de ce qu’il faudrait faire (diviser par six nos émissions de CO2 d’ici 20 ans, ne plus émettre un seul gramme de CO2 dans l’atmosphère dès 2050, et même avec tout cela, ça va swinguer pour les sociétés humaines dans les temps qui viennent). Il n’y a pas grand chose à craindre, sauf l’indifférence.

ClM : La Cogema a arrêté d’extraire l’uranium à proximité de Lodève dès la fin des années 90, pensez-vous que c’était en prévision de votre venue ? 

L.N. : Oui mon courroux est immense. Ils ont même changé de nom deux fois pour qu’on ne les trace plus. 

ClM : Parlez-nous de votre livre “Comment rester écolo sans finir dépressif” ? Pour qui et pourquoi ?

L.N. : Je l’ai écrit pour les lectrices et lecteurs des rapports du Giec, pour celleux qui fondent en larmes devant un paysage à couper le souffle. Pour celleux qui se croient seul.e.s au travail, à la maison, lors de fêtes de famille où la dinde cuite à point le dispute au gaspillage alimentaire. Je l’ai écrit pour moi car mettre tout cela à distance, après près de vingt ans de macération, m’a fait un bien fou. Puis je l’ai écrit pour mettre à jour ce que l’effondrement, l’état du monde…, peut générer d’émotions basses, pour qu’on parle de peine pour le monde, de colère, d’impuissance, d’immense tristesse… Et qu’on apprenne à les accueillir pour mieux les transformer. Être écolo et sensible à ce qui se passe par notre entière faute, c’est être câblé différemment, j’en suis convaincue.

Et c’est un signe d’excellente santé.

Par Stephan Pahl

L’écolo tous terrains

Rencontre avec Philippe Martin

Depuis plus de 40 ans, Philippe Martin s’investit pour faire partager sa passion pour cette région d’adoption du Centre Hérault tellement riche en sites aussi variés qu’exceptionnels. Si bien qu’au fil des ans, il est devenu « la » référence écologique sur tout ce qui touche au Lac du Salagou et ses alentours. En témoigne son dernier ouvrage illustré intitulé Salagou-Mourèze… Amoureux d’ici, paru fin juin de cette année.

Avec son allure filiforme, Philippe Martin ne passe pas inaperçu dans le paysage Héraultais qu’il a parcouru en tous sens, en tant que peintre, photographe animalier ou de la flore méditerranéenne, mais aussi archéologue. Lorsqu’il arbore son petit bonnet, le souvenir du commandant Jacques-Yves Cousteau n’est jamais loin. D’ailleurs, il en a souvent frôlé l’approche, du moins tout au long de son parcours au service de l’écologie. Ainsi lorsqu’il découvre le Salagou, en avril 1975, c’est en tant que maître-nageur-sauveteur à la plage de Clermont-l’Hérault. Et ce Lac du Salagou, surgi seulement quelques années auparavant, (ndlr : sa date de mise en eau remonte à 1968), il n’a cessé depuis lors de le fréquenter, tant pour sa flore que pour sa faune aquatique. Chaque année, au mois de février, c’est toujours seul, dans une scènographie qui lui appartient, qu’il participe à Celles au festival Carnaval’Eau, créé en 2005. Il ne craint pas, malgré la fraîcheur de l’eau, de se mouiller une fois de plus pour les causes qu’il défend à longueur d’années, et qu’il distille à travers les sorties qu’il organise et anime sur le terrain, ou à travers les nombreux ouvrages à son actif.
La passion de transmettre ses connaissances
Suite à sa rencontre avec Gaston Combarnous, érudit en sciences du patrimoine et Jacques Belot, professeur de lettres classiques, mais surtout fondateur du G.R.E.C (Groupe de Recherches et d’Etudes du Clermontais) en 1974, Philippe Martin crée sa propre maison d’éditions et fait paraître en 1985 La Faune et la Flore du Centre de l’Hérault. Deux années plus tard, il récidive avec un autre ouvrage co-écrit avec Jef Vallot, président de l’association Salagou Découverte. Un livre trilingue en français, allemand et anglais intitulé Salagou la couleur ! déjà richement illustré de dessins, croquis et photographies mettant en valeur quelques sites remarquables de la région (Cirques de Mourèze, de Navacelles ou de l’Infernet), mais aussi « quelques bizarreries de la nature telles que canyons de ruffes, résurgences de rivières souterraines ou orgues basaltiques », avec un bref rappel sur la faune et la flore de ce secteur du Centre Hérault. Un sujet qui l’interpelle particulièrement, puisqu’en 1988 et 1989, paraissent succesivement Flore de Villeneuvette et Flore du Salagou et Flore de Mourèze (Ed. G.R.E.C). Quelques années plus tard, à l’initiative du S.I.A.T du Salagou (Syndicat Intercommunal d’Aménagement Touristique du Salagou) et de son Président Marcel Vidal, Sénateur de l’Hérault et Conseiller général du canton de Clermont-l’Hérault, Philippe Martin réalise avec les Ecologistes de l’Euzière, où il travaille alors, Salagou, pays fantastique (1992). Un ouvrage sur ce site privilégié plus spécifiquement destiné « aux amoureux de la nature, familles en vacances, sportifs, pêcheurs ou citadins en quête d’espaces protégés, qui, une fois venus sur les ruffes qui bordent les eaux vivantes du lac, ne voudront plus les quitter et ne penseront qu’à y revenir en rêvant à ses multiples aspects ».

Du naturaliste au photographe découvreur de l’Hyperfocus
Si, depuis l’âge de 7 ans, Philippe Martin avait contracté le virus du naturalisme, quelques décades plus tard, il est atteint par un autre virus, celui de la photographie. « J’ai en effet, nous a-t-il avoué, plus de 45 ans de photo derrière moi, mais à force de manier la macro-photographie, j’ai fini par découvrir un procédé permettant, à partir de photos d’un même sujet, plante, fleur ou animal, pris millimètre par millimètre, de présenter en fin de course une image nette du plan le plus rapproché au plus éloigné, ce qui n’est généralement pas le cas en macro-photographie, où la profondeur de champ est très limitée ». Ce procédé, appelé “Hyperfocus”, a donc été mis au point par Philippe Martin, en juillet 2008 à Saint-Privat, lieu de sa résidence principale où il crée l’association Matorral, dont il devient le seul directeur salarié. Son procédé est remarqué par la télévision française qui lui consacre 2 émissions Des Racines et des ailes. Une fois ce procédé bien maîtrisé, il le met immédiatement en pratique dans son livre Hyper Nature Centre de l’Hérault (Ed. Biotope 2012), qui connait dès sa sortie un immense succès, bien au-delà de nos frontières, et qui ressortira deux ans plus tard dans une version plus étoffée sous le titre Hyper Nature Tropical. Lequel ouvrage obtient même le “Prix du livre français” lors de la Nuit du Livre en 2014. Et entre temps, les américains lui ont racheté ses droits d’édition. Enfin, présenté au Président du Sénat, Daniel Larcher, son procédé fait l’objet d’une exposition sur la biodiversité du Centre de l’Hérault, sous forme de grands panneaux photographiques de 2m x 1,20 m accrochés aux grilles du Sénat à Paris. Une exposition qui a vu défiler 1.500.000 visiteurs de septembre 2014 à janvier 2015 et qui a été reprise en partie quelques mois plus tard, en février 2015 par André Vézinhet, alors président du Conseil général de l’Hérault, au sein du Pôle culturel pierresvives.
Salagou-Mourèze avec les « Amoureux d’ici »
Comme prévu, notre écologiste n’allait pas s’arrêter en si bonne voie. C’est ainsi que cette année un nouvel opus de 2 kilos pour seulement 20€ , bourré de photos dont certaines prises à partir de drône, faisait son apparition sur les étagères des libraires. Un livre de Science et de Culture, comme le définit lui-même Philippe Martin, intitulé Salagou-Mourèze… Amoureux d’ici, édité par l’Association Matorral. Partant du fait que le site du Salagou ne doit pas être seulement tourné vers son lac, source de tourisme, l’auteur a fait appel à 208 co-auteurs, ses “Amoureux d’ici” agissant dans toutes les disciplines sur le secteur couvrant le Bassin permien du Lodévois jusqu’à Cabrières, en passant par la Vallée du Salagou, le Cirque de Mourèze, la Manufacture royale de Villeneuvette ou encore le Pic de Vissou. Archéologues, géologues, paléontologues, volcanologues, mais aussi biologistes ou botanistes, architectes, paysagistes, vignerons, bergers, artistes plasticiens, dont certaines grosses pointures ont ainsi apporté leur contribution à cet ouvrage en démontrant les potentiels patrimoniaux énormes de cette région. Enormes, mais malheureusement pas assez mis en valeur par certains édiles de la région, comme ceux pointés du doigt par Philippe Martin dans deux pages du livre intitulées 2006-2015 : Syndicat Mixte de Gestion : ça suffit ! Ce qui a valu à l’écologue de se retrouver le 13 août dernier devant le Tribunal de Grande Instance de Montpellier, en audience des référés, à l’initiative du Syndicat mixte de Gestion du Salagou, et de venir en personne plaider sa cause. Finalement, la plainte du Syndicat mixte était jugée irrecevable, d’autant plus que Philippe Martin avait confirmé devant le TGI que les deux pages litigieuses ne figureraient plus en cas de réédition. A ce jour, le Syndicat mixte, débouté, n’a toujours pas fait appel de la décision des juges. Bref, fort du succès de son ouvrage (3.000 exemplaires vendus en 3 semaines), un nouveau tirage de 4.000 exemplaires a vu le jour.
Mais Philippe Martin, au seuil de la retraite, a déjà dans ses cartons d’autres projets, un livre qui devrait s’intituler Hypernature sous-marine du monde (parution prévue en octobre 2016) et son départ pour la Californie, les Caraïbes, l’Afrique du Sud et la Nouvelle-Calédonie, à la découverte de nouvelles aventures photographiques, mais pas seulement,… à nous faire partager.

Par Bernard Fichet