Député

Le Palais Bourbon sous la canicule parisienne

En juin dernier, je devenais député de la 5e circonscription de l’Hérault. Ce territoire de 141 communes qui borde l’Aude, le Tarn et l’Aveyron a désormais un nouveau représentant à l’Assemblée nationale.

En juillet et août derniers, l’Assemblée nationale avait décidé de continuer de siéger durant une grosse partie de l’été. La navette des allers-retours d’Adissan à Paris doucemanette se met en place.
Trois jours par semaine, mardi, mercredi et jeudi, je vis à Paris et les quatre autres jours je retrouve avec plaisir ma famille et mon village. En ce mois de juillet, la chaleur parisienne s’abat sur nous tous. Aucune salle du Palais Bourbon n’est assez fraîche pour que nous y trouvions refuge.
Aucun bureau n’a encore été attribué aux nouveaux députés dont je suis. Aucun endroit ne me permet donc de lire mon courrier ou de répondre aux appels téléphoniques tranquillement.
Comme d’autres, je suis condamné à traiter le courrier dans des salles publiques de l’Assemblée et à téléphoner dans les couloirs où marche, trotte, discute et rit toute une foule de députés en action. Je piaffe d’impatience à l’idée de trouver un havre de paix. Les visiteurs et les fonctionnaires de l’Assemblée peuvent ainsi croiser dans les couloirs de nombreux députés, dont moi, qui tentent tant bien que mal de remplir leur mission en attendant la sonnerie de reprise des séances, comme dans une cour de récréation ! Parfois, pour souffler ou s’isoler, nous nous retrouvons dans le petit jardin de la buvette, face à la Seine pour boire un verre.
Les séances dans l’hémicycle suivies de réunions de commissions et de rendez-vous s’enchaînent sans répit durant des jours et des nuits trop courts. Vers 19 h 30, je retourne à mon hôtel et là, après avoir retiré mon costume et ma cravate trempés, je me jette sous la douche pour dix minutes de rafraîchissement. Après un dîner rapidement pris, nous retournons tous au Palais Bourbon pour assister à la séance de nuit. Souvent entre minuit et une heure, je craque et je quitte l’hémicycle pour, après 15 minutes de taxi, m’effondrer dans une chambre impersonnelle et au milieu d’une ville qui ne se repose jamais. Là, seul, je repense au Midi, à mon fils et à ma femme, ce qui m’aide à m’endormir.
Dès 8 h débute la journée par un petit-déjeuner de travail avec la FNSEA ou bien d’autres associations qui se présentent et exposent leur raison d’être. Un croissant ou une tartine beurrée, une tasse de café et zou, je m’éclipse pour une autre réunion qui a déjà commencé depuis une demi-heure. Un jour, alors que je dévore les couloirs machinalement pour rejoindre la salle de travail, je me retrouve dans une partie du Palais Bourbon jamais foulée par mes pieds. En plus d’être en retard, je ne sais plus où je suis ! A ce moment, un homme en blazer et cravate bleue, chemise blanche, pantalon gris et chaussures noires apparaît de nulle part ! Je reconnais à son uniforme, un fonctionnaire du palais et sans attendre, je l’interpelle en lui demandant mon chemin. Il me donne le renseignement d’une voix cordiale et d’un œil amusé par mon air hagard.
« Monsieur le député, vous commencez bien mal la journée », me lance-t-il d’une voix blanche. Et c’est vrai, que cette journée s’est bien mal déroulée. En plus de mon retard, j’ai raté un rendez-vous, me suis fait une bougne sur la chemise et le soir venu, arrivé à Orly une voix métallique m’annonce que mon avion aura 1 h de retard… Entendre cela alors que j’ai pressé le chauffeur de taxi, enjambé deux jeunes allongés dans le hall de l’aéroport, passé la sécurité à moitié déshabillé pour enfin atteindre la porte d’embarquement en sueur… C’est à désespérer de la ponctualité !
Avachi dans un fauteuil, j’en profite pour regarder les rendez-vous de la semaine à venir. En plus des séances, des commissions viennent se greffer des auditions et des rendez-vous avec des associations. Soudain résonne :
« les passagers du vol AF4555 pour Montpellier sont attendus en porte 20D ». Je plie, je range, je ferme ma serviette et me voici assis dans l’avion au siège 1D. Alors que l’avion survole le Larzac, me revient en mémoire un événement inscrit sur l’agenda : mardi, déjeuner 1er ministre 12 h 30 précises ! Une nouvelle aventure…
Par Philippe Huppé

Les premiers jours d’un député de province…

En juin dernier, je devenais député de la 5e circonscription de l’Hérault. Ce territoire de 141 communes qui borde l’Aude, le Tarn et l’Aveyron a désormais un nouveau représentant à l’Assemblée nationale.

Sans attendre, une session extraordinaire m’amène à Paris. Avec un regret certain, je laisse derrière moi ma petite mairie d’Adissan pour les salles du palais Bourbon.
Le premier jour à Paris est uniquement administratif ! Nous passons à la queue leu leu de bureau en bureau pour accomplir les tâches administratives et remplir les innombrables fiches de renseignements qu’exige de nous notre nouvelle fonction. Maquillage pour la séance de photographie, présentation de nos papiers, de notre naissance au jour de l’élection, toute notre vie est reprise.
Ente deux bureaux et sous une chaleur humide, accablante et qui porte en elle un mélange d’odeurs de bitume chaud, d’essence et de fond de poubelles mal vidées, je vais me rafraîchir. C’est alors que je m’asperge joyeusement le visage. Un premier coup de serviette, je m’aperçois de mon erreur. Le maquillage coule sur mes joues ! A la fin du nettoyage, je sors des toilettes, les cheveux, la chemise et le pantalon trempés. Le soir arrive et la corvée administrative se termine !
Quelques jours après, je suis convoqué à la première séance de l’Assemblée. Les huissiers présents nous indiquent gentiment nos sièges. Pendant plusieurs heures, le bureau de l’Assemblée se met en place et les votes s’enchaînent pour savoir qui portera tel titre, qui aura telle fonction. A une heure du matin, nous levons la séance. Et soudain, dans la rue noire et vide, nous nous apercevons réellement de l’heure tardive. Un métro après et me voilà seul dans une chambre d’hôtel fonctionnelle et froide. Que mon Midi est loin, que les paysages des hauts cantons me semblent beaux !
Le lendemain, tout recommence et le rythme des séances s’accélère. Présentation des projets de loi, des amendements, discussions jusqu’à plus d’heure, opposition et défense systématiques, le grand jeu des ego se met en place. Certains trouvent rapidement leurs repères et surtout le micro des journalistes, d’autres comme moi mettent plus de temps à apprendre les règles qui régentent ce nouveau monde.
Je découvre les restaurants de l’assemblée avec ses différentes strates, rez-de-chaussée, 7e et 8e étages, le coiffeur et la merveilleuse bibliothèque. Cette dernière découverte me redonne du baume au cœur. En discutant avec mon collègue de séance, j’apprends qu’un service de La Poste existe et que le très nombreux courrier que nous recevons s’y trouve. Comme un seul homme, je me lève et me dirige d’un pas déterminé vers la poste de l’Assemblée. A peine au comptoir, je me présente et demande si j’ai du courrier. Qu’avais-je dit ! Une homme se précipite et se présente immédiatement. Originaire de Nébian, il me propose de m’aider dans toutes les formalités. Heureux d’avoir enfin rencontré une personne amie, je souris, pour peu de temps. A peine parti dans l’arrière-salle qu’il est déjà revenu avec un carton entier, bourré de lettres, paquets et colis en tout genre. Il est 18 heures et je peux faire un trait sur la soirée. Aller, zou ! Métro, boulot, dodo !
Le lendemain, ragaillardi par le travail abattu, je me présente au guichet et rebelote, une nouvelle caisse de lettres m’attend. Devant ma mine dépitée, mon ami postier me sourit et me fait comprendre que plus de la moitié du courrier peut faire l’objet d’un classement vertical. Pour me réconforter, un ami avocat est venu de Montpellier pour la journée. Je lui fais visiter l’Assemblée, un mélodieux accent du sud me rappelle mon pays. Voulant lui faire découvrir un lieu inconnu du public, je lui propose de prendre un verre à la buvette. Quelle idée m’a prise. A peine avons-nous franchi que j’entends. « Monsieur le député, je me permets de vous rappeler que la buvette est exclusivement réservée aux parlementaires durant les séances. » Et voilà ! Penaud mais ne voulant pas perdre la face, je réponds que je sais ! Nous faisons demi-tour et allons prendre ce café à l’extérieur des augustes murs du palais Bourbon. En fin d’après-midi, il me quitte pour rejoindre Montpellier ; je me surprends à le regarder partir vers le soleil…

A la fin de la semaine, je parviens à partir et cinq heures après je retrouve enfin mon village, le plus beau du monde ! J’y retrouve des amis, des voisins mais aussi du changement, c’est cela aussi l’absence !
Par Philippe Huppé