Les premiers jours d’un député de province…

En juin dernier, je devenais député de la 5e circonscription de l’Hérault. Ce territoire de 141 communes qui borde l’Aude, le Tarn et l’Aveyron a désormais un nouveau représentant à l’Assemblée nationale.

Sans attendre, une session extraordinaire m’amène à Paris. Avec un regret certain, je laisse derrière moi ma petite mairie d’Adissan pour les salles du palais Bourbon.
Le premier jour à Paris est uniquement administratif ! Nous passons à la queue leu leu de bureau en bureau pour accomplir les tâches administratives et remplir les innombrables fiches de renseignements qu’exige de nous notre nouvelle fonction. Maquillage pour la séance de photographie, présentation de nos papiers, de notre naissance au jour de l’élection, toute notre vie est reprise.
Ente deux bureaux et sous une chaleur humide, accablante et qui porte en elle un mélange d’odeurs de bitume chaud, d’essence et de fond de poubelles mal vidées, je vais me rafraîchir. C’est alors que je m’asperge joyeusement le visage. Un premier coup de serviette, je m’aperçois de mon erreur. Le maquillage coule sur mes joues ! A la fin du nettoyage, je sors des toilettes, les cheveux, la chemise et le pantalon trempés. Le soir arrive et la corvée administrative se termine !
Quelques jours après, je suis convoqué à la première séance de l’Assemblée. Les huissiers présents nous indiquent gentiment nos sièges. Pendant plusieurs heures, le bureau de l’Assemblée se met en place et les votes s’enchaînent pour savoir qui portera tel titre, qui aura telle fonction. A une heure du matin, nous levons la séance. Et soudain, dans la rue noire et vide, nous nous apercevons réellement de l’heure tardive. Un métro après et me voilà seul dans une chambre d’hôtel fonctionnelle et froide. Que mon Midi est loin, que les paysages des hauts cantons me semblent beaux !
Le lendemain, tout recommence et le rythme des séances s’accélère. Présentation des projets de loi, des amendements, discussions jusqu’à plus d’heure, opposition et défense systématiques, le grand jeu des ego se met en place. Certains trouvent rapidement leurs repères et surtout le micro des journalistes, d’autres comme moi mettent plus de temps à apprendre les règles qui régentent ce nouveau monde.
Je découvre les restaurants de l’assemblée avec ses différentes strates, rez-de-chaussée, 7e et 8e étages, le coiffeur et la merveilleuse bibliothèque. Cette dernière découverte me redonne du baume au cœur. En discutant avec mon collègue de séance, j’apprends qu’un service de La Poste existe et que le très nombreux courrier que nous recevons s’y trouve. Comme un seul homme, je me lève et me dirige d’un pas déterminé vers la poste de l’Assemblée. A peine au comptoir, je me présente et demande si j’ai du courrier. Qu’avais-je dit ! Une homme se précipite et se présente immédiatement. Originaire de Nébian, il me propose de m’aider dans toutes les formalités. Heureux d’avoir enfin rencontré une personne amie, je souris, pour peu de temps. A peine parti dans l’arrière-salle qu’il est déjà revenu avec un carton entier, bourré de lettres, paquets et colis en tout genre. Il est 18 heures et je peux faire un trait sur la soirée. Aller, zou ! Métro, boulot, dodo !
Le lendemain, ragaillardi par le travail abattu, je me présente au guichet et rebelote, une nouvelle caisse de lettres m’attend. Devant ma mine dépitée, mon ami postier me sourit et me fait comprendre que plus de la moitié du courrier peut faire l’objet d’un classement vertical. Pour me réconforter, un ami avocat est venu de Montpellier pour la journée. Je lui fais visiter l’Assemblée, un mélodieux accent du sud me rappelle mon pays. Voulant lui faire découvrir un lieu inconnu du public, je lui propose de prendre un verre à la buvette. Quelle idée m’a prise. A peine avons-nous franchi que j’entends. « Monsieur le député, je me permets de vous rappeler que la buvette est exclusivement réservée aux parlementaires durant les séances. » Et voilà ! Penaud mais ne voulant pas perdre la face, je réponds que je sais ! Nous faisons demi-tour et allons prendre ce café à l’extérieur des augustes murs du palais Bourbon. En fin d’après-midi, il me quitte pour rejoindre Montpellier ; je me surprends à le regarder partir vers le soleil…

A la fin de la semaine, je parviens à partir et cinq heures après je retrouve enfin mon village, le plus beau du monde ! J’y retrouve des amis, des voisins mais aussi du changement, c’est cela aussi l’absence !
Par Philippe Huppé

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