Fils unique de Ernest Hemingway, il est né le 10 octobre 1923 au Canada, à Toronto, de l’union de Hadley Richardson et du célèbre écrivain. Jack est souvent confondu avec son père, car il était tout aussi fantasque que lui. Son patronyme complet est John Hadley Nicador “Jack” Hemingway. C’est pendant son séjour en Europe, qu’Ernest Hemingway découvre la corrida dont il deviendra un “aficionado”. C’est en hommage au célèbre matador Nicador Villalta qu’il rajoute ce prénom espagnol à son fils. Ernest Hemingway est correspondant de guerre en Espagne auprès des Républicains (nous avons tous en mémoire le magnifique ouvrage Pour qui sonne le glas).
Tout au long de sa vie, il fréquentera les arènes de Pampelune, Madrid. Il fera, ainsi, découvrir à son fils notre magnifique région lors des corridas de Nîmes et de Béziers.Enfant et adolescent, Jack partage son temps entre les USA et l’Europe. Il passe ses premières années en Autriche et en France. Il apprend le français à l’Ecole Alsacienne à Paris. Lors des vacances d’été il découvre la pêche à la mouche grâce à son père. Cela devient une véritable passion partagée, passion qui ne le quittera plus même pendant ce temps de guerre, et qui lui sauva même la vie !
Au printemps 1944 l’Etat-Major allié prépare le débarquement en Méditerranée. Il envisage cette opération dans le Golfe du Lion aux environs de Sète. Cette opération est doublée d’un projet d’atterrissage de planeurs sur le plateau du Larzac et de parachutage de troupes pour prendre les Allemands en tenaille. Si ces opérations furent déprogrammées puisque le débarquement eu lieu finalement en Provence, le parachutage d’éléments chargés de soutenir le maquis fut maintenu, ce qui permit le renforcement de celui des Hauts Cantons de l’Hérault.
Des agents de “l’Office of Strategic Services” OSS (qui deviendra la CIA après la guerre) furent envoyés avec une mission : fournir des renseignements sur les positions et mouvements de troupes allemandes, ce fut la mission “Étoile”. Lors d’une belle nuit de mai 1944, suite à l’envoi d’un message codé de Londres au contenu sibyllin “le pilote a disparu”, les maquisards se positionnent sur le plateau de Dio et Valquières en attente de parachutistes et de matériels.
Un B-17 parti de l’aérodrome de Blida en Algérie largue aux alentours de deux heures du matin, quatre parachutistes : deux américains appartenant à l’OSS et deux français. Les parachutistes étaient attendus au QG du Colonel Leroy au village du Clapier (au nord de Roqueredonde en Aveyron) et furent réceptionnés à l’atterrissage par René Ribot du maquis Bertrand. Les deux français, mal entraînés, se blessent à la réception au sol. Ils seront conduits au hameau de Gours pour y être soignés. L’un des deux américains n’est autre que le lieutenant Jack Hemingway membre du célèbre OSS, le fils donc du célèbre écrivain Ernest Hemingway.
Étonnés, les maquisards observent un mât qui dépasse du sac du lieutenant, ils sont persuadés qu’il s’agit d’une antenne de radio… Il s’agit en fait d’une canne à pêche. Objet totalement insolite en cette période où se joue le destin de notre pays. Le paquetage du militaire est par essence composé d’armes blanches ou d’armes lourdes, de moyens de transmission mais pas de superflu. Pourtant Jack Hemingway, grâce à la complicité de l’officier britannique en charge de l’embarquement à Blida, a pu prendre l’avion avec sa canne, son moulinet et sa boite à mouche !
Après plusieurs jours passés au château de Cazillac, lieu où était regroupé le maquis, les parachutistes purent rejoindre Le Clapier. La mission “Étoile” démontra son efficacité. Elle transmit notamment de précieux renseignements à l’État-Major sur les mouvements de la 11e division blindée allemande qui essayait de rallier depuis le sud-ouest la vallée du Rhône, en empruntant la vallée du Jaur puis de l’Orb depuis Mazamet.
L’histoire ne nous dit pas si Jack Hemingway prit une part active aux accrochages qui jalonnèrent la progression des troupes allemandes dans la vallée et notamment les combats de Colombières mais sa formation militaire lui permit d’être un agent de liaison efficace. Selon les témoignages, Jack Hemingway s’était porté volontaire pour cette mission dès qu’elle fut décidée. S’exprimant parfaitement en français, il s’employa à faciliter le travail en commun des divers mouvements de résistance unifiés l’année précédente par Jean Moulin sous le sigle FFI et ce, entre deux parties de pêche dans l’Orb. On raconte que lors d’une descente de la milice dans le hameau cévenol où se cachait Jack Hemingway les miliciens ne trouvèrent personne… car Jack était parti pêcher dans un ruisseau du voisinage.
Après ce séjour dans les Hauts Cantons, on le retrouve en octobre 1944 dans la 7e armée US à côté de résistants cévenols qui poursuivent l’armée allemande. Il est blessé dans les Vosges lors d’une mission de reconnaissance. Fait prisonnier, il est reconnu par un lieutenant autrichien admirateur de l’œuvre de son père. Il est dirigé vers un hôpital alsacien pour être soigné. A la libération en 1945 il est décoré de la Croix de Guerre par le gouvernement français. Il termine sa carrière militaire en Caroline du Nord. Une fois démobilisé il participe à de nombreux concours en Amérique et il ouvre même un magasin de vente de matériel de pêche. Jack continuera toute sa vie son parcours de pêche, jusqu’en Norvège où il pêche le saumon. Il devient un fervent protecteur de la nature et œuvre pour la protection des espèces menacées.
Il se marie en 1949, trois filles naissent de son union dont en 1954 Margaux, prénom choisi par son père en référence à un célèbre cru des vins de Bordeaux qu’il affectionne (elle est à gauche sur la photo à côté de son père). Actrice, Margaux, va jouer dans 18 films. Elle devient dans les années 1975 l’égérie du célèbre parfum Fabergé avec à la clef un contrat d’un million de dollars !
Cette belle histoire de canne à pêche a été racontée par René Ribot membre du maquis Bertrand devenu gérant du Grand Café du Bousquet d’Orb. Lors d’un bref séjour en France dans les années 1970, après la guerre, Jack Hemingway ne manqua pas de venir saluer son ami maquisard. Ce fut l’occasion d’une partie de pêche mémorable avec à la clef un bon repas au cours duquel furent dégustées de superbes truites saumonées pêchées quelques heures auparavant dans l’Orb.
Jack Hemingway remis à Madame Ribot un poster en couleur de 60 x 40 cm, photo en pied de sa fille Margaux avec une dédicace en anglais : « A René Ribot l’homme qui a sauvé mon père. Beaucoup d’amour et de joie ».
L’histoire retiendra aussi la fin tragique de Ernest Hemingway qui se suicida en 1961 et celle de Margaux Hemingway, le 1er juillet 1996. Jack Hemingway, lui, est décédé en décembre 2000 d’une crise cardiaque.
Par Jean-Philippe Robian