Guillaume Dumazer

On n’est pas du bétail !

de Jean-Fred Cambianica et Le Cil Vert

On ne présente plus le collectif L214 depuis l’apparition de ses premières vidéos choc concernant la maltraitance animale sur les lieux de production et d’abattage. Avec cet album de BD remarquable auquel il a participé, ses auteurs ont voulu montrer l’horreur sous une forme ludique et drôle, loin des images immondes de la cruauté humaine afin de cerner un autre public de plus en plus engagé (enfin !) : les adolescents, voire les enfants. L’histoire est simple : Braillane (dont le prénom pourrait habilement se décomposer) se la pète devant la jolie Perrine et alors qu’il n’y connaît strictement rien, presse sa classe de devenir…végane ! A l’occasion d’un stage dans une ferme, il entrapercevra d’ailleurs le traitement que l’on réserve…à la viande. On en profite pour causer spécisme, véganisme, des rappels scientifiques et même législatifs, des recettes (miam !) parsèment la trame qui ne surprendra pas forcément ceux qui ont décidé d’en savoir plus depuis longtemps. Si l’on ne devrait obliger personne à changer ses habitudes contre son gré, on devrait emmener chaque consommateur sur un lieu de production (non-bio) qui dépasse la taille humaine. Rendement intensif + bien-être animal (temporaire) = IMPOSSIBLE ! Ah, et pour finir, cet album est imprimé en France, incroyable !! Ze cadeau de Noël engagé et marrant !

Par Guillaume Dumazer

Habitats en sous-France

de Geneviève Bouilloud

Sources de controverses sans fin entre atteints et incrédules, les électro-hyper-sensibles (ou EHS pour les toujours plus pressés) rappellent par la plume de Geneviève Bouilloud que bizarrement aucune étude médicale française n’a été publiée autour de la téléphonie mobile et de ses effets néfastes sur la santé, la 4G est pourtant déjà là, la 5G venant même elle de subir des revers d’opinion – tiens, tiens – en Belgique ou en Suisse. D’ailleurs, un peu partout à l’étranger de nombreux rapports, qui plus est non contestés par les autorités, pointent la téléphonie mobile et la WIFI comme sources attestées de maladies. Il est quand même incroyable que les EHS soient encore vus comme des extraterrestres dans leur quête de zone blanche alors qu’ils cumulent déjà une longue liste d’afflictions : l’auteure a par exemple été contrainte de sillonner le pays en camionnette puis de repartir sur les routes quand arrivait l’adversaire invisible. Habitée par l’espoir mais aussi par « le froid, l’humidité, la solitude », Geneviève pousse un cri pour ses camarades d’infortune de plus en plus nombreux : les EHS resteront-ils les éternels « psychosomatiques » ? Ce document est en tout cas un coin enfoncé dans le bois du scepticisme. « Tout homme a droit à un habitat décent », mesdames-messieurs les opérateurs…

Par Guillaume Dumazer

Mimosa

de Catmalou et Edith

Mimosa n’est autre que la propre fille de Catmalou et celle-ci a recueilli à chaud les réflexions de la petite fille à une époque où la philosophie se pratique au jour le jour, où chaque chose mérite un commentaire forcément édifiant. C’est sous forme de strips que l’enfant livre ses réflexions hilarantes sur la vie en général. Si peut-être un jour, elle deviendra l’incroyable Hulk (peut-être grâce au petit déjeuner au cidre ?), elle apprend au détour d’une phrase que Coco Chanel l’a carrément plagiée, que la « langue de fesse » n’est pas vraiment facile à apprendre pour un adulte, que les cadeaux d’anniversaire sont là pour compenser l’année de moins à vivre… On note au passage une collection de chapeaux plus hallucinants les uns que les autres ; le lecteur comprendra également que Mimosa est aussi dotée d’une sacrée répartie et d’une culture pour le moins foisonnante pour une enfant de son âge, les parents se remémoreront forcément des scènes de leur propre vie, les enfants prendront peut-être des notes, les lecteurs dans leur ensemble adoreront cette bande dessinée craquante, livrée dans un fourreau cartonné.

Par GUILLAUME DUMAZER

Guerre froide

de Norman Friedman

Cette longue guerre qui porte bizarrement bien son nom a fait ce que nous sommes aujourd’hui, a fait comme tout mal un certain nombre de biens mais aussi évidemment le malheur de nombre de peuples européens, ou plus lointains, même si l’affrontement part de notre continent en opposant les soviétiques du Pacte de Varsovie (qui n’avaient finalement pas renoncé à la domination mondiale par le communisme) et les occidentaux bientôt regroupés sous l’égide de la CEE et de l’OTAN en particulier. En 1946, Staline réaffirme l’incompatibilité du communisme et du capitalisme, les coups d’État soviétiques se multiplient à l’Est au point qu’un véritable bloc va pouvoir se monter face aux européens de l’Ouest « soutenus » par le plan Marshall. De la crise du pont aérien de Berlin (et ses fameux doryphores !) à la chute du mur en passant par l’essor de Mao en Chine et la décolonisation un peu partout sur la planète, les guerres de Corée et du Vietnam, l’auteur revient sur les principaux évènements de cette période fascinante qui semble parfois ressusciter de nos jours. Dommage que ce chouette ouvrage, très richement illustré, ait été imprimé aux Émirats Arabes Unis au lieu de chez nous mais le débat est interminable, passons donc…

Par GUILLAUME DUMAZER

La Bredoute – Hiver Printemps 2016 et même beaucoup plus

La Bredoute – Hiver Printemps 2016 et même beaucoup plus
de Fabcaro

La critique de Guillaume Dumazer

« Parce que tout le monde est différent de chacun »… Hosanna au plus haut des cieux, voici, quasiment dix ans après sa première parution, le retour de cet album hilarant de l’inénarrable Fabcaro qui dans ces pages, aujourd’hui augmentées de quelques feuilles inédites et livrées dans une version en couleurs, pastichait sans vergogne et avec talent les catalogues d’une grande marque de vente par correspondance que certains d’entre vous ont peut-être reconnue, faut dire que le titre est discret et subtil, il va falloir faire travailler les méninges mises à mal par la wifi et les réseaux sociaux. Nonobstant des photos dont chacun pensera bien ce qu’il veut, ces célébrissimes catalogues se caractérisaient souvent par des slogans et autres punchlines terriblement tirés par les cheveux. Fabcaro se les approprie ici et exagère quelque peu le non-sens de la communication commerciale, comment résister à de tels chefs-d’œuvre : « Laissez supposer à vos voisins que vous buvez du café « commerce équitable » à l’aide de cette table basse aux motifs quasiment hindous », « Ce maillot 2 pièces qui allie confort et sens de l’humour sera idéal pour faire la queue à la Poste de Palavas ! »,
« Aaah les joies de la garde alternée ! Grâce à cette « webcam », vous pourrez voir votre enfant tomber malade une semaine sur deux ! » ? Un album à conseiller vivement aux très nombreux lecteurs du dernier album Zaï Zaï Zaï Zaï (chez le même éditeur).

Adieu, Palmyre

Adieu, Palmyre de Dominique Fernandez et Ferrante Ferranti

La critique de Guillaume Dumazer
« Dans un voyage, c’est la première émotion qui compte, la rencontre personnelle des lieux. Il sera bien temps, rentré chez soi, de se documenter. Les doctes font un travail inestimable, mais nous empêchent d’éprouver par nous-mêmes. L’émerveillement commence par un choc physique. Le plus ignare, à Palmyre, était saisi par la grandeur du paysage, les alignements de colonnes émergeant comme en plein jour de l’obscurité, la pâleur du ciel qui restait lumineux une fois le soleil éteint ».

À l’annonce de la destruction d’une grande partie de la mythique cité de Palmyre, les auteurs de ce livre, qui tient par son ton du guide amoureux, ont réuni leurs connaissances et leurs souvenirs ainsi que de nombreuses photographies magnifiques d’un lieu sûrement perdu pour toujours à cause de la profonde débilité du fanatisme religieux ou politique qui de tout temps frappera les vestiges du passé dans une furie aveugle de tabula rasa. Que penserait aujourd’hui Zénobie, mythique souveraine arabe de Palmyre, qui osa tenir tête à l’empire romain d’Aurélien, des iconoclastes au burin et surtout à la masse, qui usurpent aujourd’hui le pouvoir au nom d’un dieu qui décidément a bon dos ? Elle ne pourrait que se ranger à l’avis de l’auteur : « les religions, quelles qu’elles soient, n’ont été que trop souvent des prétextes à persécution. Sous l’évangile d’amour et de paix, elles ont propagé la haine et la guerre ». Et anéanti Palmyre.