herboriste

la nature agit, l’homme fait

Jacques Salabert, pharmacien herboriste vivait au milieu des Monts d’Orb et nous a quitté l’année dernière. Il a constitué un herbier de 3000 planches qui l’a rendu célèbre nationalement et a écrit également de nombreux ouvrages. Amoureux de la nature, sa devise était : «connaitre pour aimer, aimer pour protéger».

« La plante de tout temps a intrigué, étonné ou passionné l’homme, lequel avant même de la cultiver, a su en admirer tant la force que l’extrême fragilité, jusqu’à trouver une analogie intime entre sa propre vie et celle du végétal, générateur de toute vie animale. Mère ou compagne généreuse, source de guérison et d’abondance, symbole de spiritualité et de connaissance, la plante fut aux côtés de la toute première humanité pour la soutenir et la rassurer. »
Ces propos sont de Jacques Salabert qui nous a quittés le 27 décembre 2015 sous une brassée de fleurs et de plantes sauvages que ses amis avaient cueillies ce jour-là pour lui rendre hommage. Avec lui, disparaît le chantre des fleurs et des plantes dont il était si proche.
146-alnicola_salabertiiAu milieu des Monts d’Orb, aux limites de l’Aveyron et de l’Hérault, vivait Jacques Salabert pharmacien herboriste, botaniste, à la fois sentinelle et lanceur d’alerte. Marion son épouse me disait que c’était en 1953 qu’il avait décidé, jeune pharmacien, de s’installer à Graissessac dans les hauts cantons héraultais.
Après Montredon Labessonié dans le Tarn où il a passé son enfance, il quitte son village pour faire ses études à Toulouse. C’est là qu’il rencontre Pierre Fabre qui y fait lui aussi ses études de pharmacie. Ils se lient très rapidement d’amitié. La nature lui manque déjà. Toutes les occasions sont bonnes pour des escapades vers son village.
Elève brillant il pouvait prétendre à une carrière professionnelle de premier plan notamment dans le Groupe Pierre Fabre, qui lui fit de multiples offres de collaboration. Eh bien non : il avait décidé de vivre à Graissessac au cœur de cette nature qu’il chérissait tant et qui lui donna ce qu’il aimait le plus au monde : le contact avec la nature.

Jacques Salabert recevait souvent son ami, Pierre Fabre PDG de l’entreprise, autour d’un bon repas, Avène et Graissessac ne sont pas si éloignés…. Jacques n’était pas avare de conseils à Pierre pour son entreprise. Pierre Fabre le fera d’ailleurs participer au conseil de surveillance de la marque “Klorane” filiale du Groupe.
Jacques Salabert a parcouru tout le bassin méditerranéen ce qui lui a permis de constituer un herbier de 3000 planches et d’être connu et reconnu au-delà de notre territoire national. Son point d’attache reste le Mont Cabanes qu’on découvre dans sa majesté depuis la fenêtre de son bureau.Les Monts d’Orb sont le champ préféré de son investigation. C’est là qu’il inventorie cinq espèces de plantes protégées : la pivoine officinale, la gagée de bohème, l’anthémis des rochers, l’ophioglosse des Açores, l’orchis porte-punaises. Sur le terril de Garella site minier réhabilité par l’Office National des Forêts après l’exploitation des “découvertes” tout proche de son domicile, il découvre un petit champignon cortinaire inconnu. La société mycologique de France lui donnera le nom de “Alnicola Salabertii” en hommage à son créateur : Jacques Salabert. Sa passion l’amène à étudier les plantes endémiques. Pour se changer les idées il part cueillir salades et plantes sauvages comestibles qu’il cuisine avec passion.

Son plaisir, outre la recherche, c’était de partager ses connaissances, de faire découvrir à tous la nature et ses secrets pour qu’on apprenne à l’aimer et à la respecter. Sa devise : « connaitre pour aimer, aimer pour protéger ». Il est habité depuis son plus jeune âge par ce souci de défense de la nature alors que l’écologie n’est pas encore à la mode. Il prend la présidence de la Société mycologique et botanique de l’Hérault et des Hauts Cantons en 1992 après en avoir été membre fondateur.
Jacques Salabert participe à plusieurs émissions de radio et de télévision. On le retrouve à l’organisation de randonnées dans le Parc régional du Haut Languedoc, de randonnées découvertes en Tunisie, au Maroc, en Espagne. Il écrit un livre d’initiation A la Découverte de la flore du Haut Languedoc et bien d’autres, notamment 70 balades dans la France des fleurs.

Toujours partant pour animer un séminaire ou une conférence sur les plantes, il porte la bonne parole dans tous les établissements scolaires de la région et n’hésite pas à embarquer dans sa voiture des élèves pour aller admirer une magnifique orchidée sauvage sur le Caroux. Il s’interrogeait sur le devenir de notre planète : ni pessimiste ni optimiste, tout de même inquiet depuis ses Hauts Cantons relativement épargnés. Il constate les dégâts occasionnés à notre environnement : les pesticides et insecticides encore déversés dans les champs en abondance dans les zones de culture intensive, le non-respect des plantes protégées, l’urbanisation sauvage qui remet en cause les équilibres naturels. Détruire des espèces de plantes et de fleurs c’est faire disparaître des marqueurs de la biodiversité disait-il.
Le ciel étoilé est parsemé d’étoiles : certaines brillent plus fortement que d’autres. On dirait parfois, par leur scintillement, qu’elles nous font un signe, un appel. Jacques Salabert pourrait être une de ces étoiles qui nous alerte sur l’avenir de l’humanité et le devenir de notre espèce. Encore faudrait-il que la pollution qui touche 90% de la planète nous laisse un espace pour observer la voûte céleste.

Par Jean-Philippe Robian