Depuis quelques décennies, le département de l’Hérault fait figure d’Eldorado en matière d’occupation des sols. En cause, la forte progression démographique enregistrée sur ce territoire qui accueille en moyenne 1400 habitants par mois. Un chiffre qui, selon les statistiques, ne devrait pas baisser dans les années à venir. Dans ces conditions, il va sans dire que les terres et même les friches agricoles sont de plus en plus recherchées par de jeunes agriculteurs désirant s’installer dans la région. Un bras de fer est donc engagé, avec l’aide de l’État, entre les élus des collectivités locales et les organismes agricoles, pour freiner le rythme de l’acquisition excessive de ces espaces agricoles.
Après l’arrachage des vignes. Si la diminution des espaces naturels inquiète les écologistes, elle a aussi de quoi inquiéter en premier lieu les viticulteurs, lesquels sont encore trop souvent montrés du doigt comme étant en partie fautifs de ces friches agricoles, conséquences de l’arrachage des vignes dans les dernières décades, lors de la reconversion remarquable de la viticulture languedocienne. Il n’est qu’à se promener par exemple dans le Clermontais, du côté de Villeneuvette, pour constater que les anciennes vignes ont fait place à des champs de blé ou autres céréales, ce qui n’est encore qu’un moindre mal car pouvant fournir en plus du fourrage pour les éleveurs ou certains centres équestres. Mais parfois, on tombe sur des espaces à potentiel agricole non exploité, autrement dit des friches. Le paradoxe vient alors du fait que de jeunes agriculteurs cherchent à s’installer, mais que la liaison n’arrive pas à s’établir avec les propriétaires qui, arrivant à l’âge de la retraite, se retrouvent parfois sans repreneurs directs de leur exploitation. Ceux-ci, ne disposant alors que de faibles revenus, et confrontés à une pression foncière de plus en plus importante, préfèrent garder leurs terres en friche, en nourrissant l’espoir qu’elles prennent un jour de la valeur, surtout si elles risquent de devenir constructibles. Enfin, certains propriétaires restent attachés à la PAC (Politique agricole commune) qui leur octroie généreusement une « prime à l’herbe » à condition que leurs terrains aient été au moins travaillés une fois dans l’année. Des primes qui peuvent atteindre plusieurs dizaines de milliers d’euros. En définitive, peu de terres restent à la vente, avec en corollaire une hausse des prix pour celles encore disponibles sur le marché.
Le grignotage des terres par les communes. D’un autre côté, face à la forte progression démographique, de nombreux élus n’hésitent pas à étendre leur POS (Plan d’occupation des sols) ou leur PLU (Plan local d’urbanisme), et bientôt sur un plan intercommunal leur SCOT (Schéma de Cohérence Territoriale) de manière à y inclure d’anciennes terres agricoles, prises alors de manière irréversible, afin d’y construire de nouveaux logements, ou de créer des zones commerciales ou industrielles, voire des infrastructures. Tout ceci s’expliquant par le fait que les gens cherchent à s’installer de plus en plus loin des grandes agglomérations urbaines où les prix de l’immobilier deviennent exorbitants. L’exemple de Lodève et des villes situées aux abords des autoroutes (A75 et A750) est significatif de ce point de vue.
C’est pour dénoncer de telles pratiques qu’en fin d’année 2016, quelques jeunes agriculteurs de l’Hérault se sont rendus sur un terrain en friche de la ZAC (zone d’aménagement concerté) de la Salamane, à Clermont-l’Hérault, pour y semer un hectare de blé dur, au prétexte que cette zone, en aménagement depuis une dizaine d’années, n’est occupée qu’à 30 % de sa capacité. Or, comme l’expliquait à l’époque Samuel Masse, président du syndicat des Jeunes Agriculteurs de l’Hérault : « Pendant ce temps, on ne trouve pas de terres pour installer les jeunes agriculteurs, alors même que le département de l’Hérault est le département de France qui connaît le plus grand nombre de demandes en ce domaine ».
Des aides à l’installation. Alors que plus de 300 agriculteurs sont partis à la retraite en 2016, seulement une centaine de jeunes agriculteurs, pour 700 demandes, ont pu s’installer dans la région grâce aux aides qui peuvent leur être octroyées. C’est dans ce but que depuis plusieurs années des journées « Installation » leur sont proposées, comme celle qui vient de se tenir le 20 avril dernier à Clermont-l’Hérault, salle Georges Brassens, où des professionnels (Chambre d’Agriculture, syndicats agricoles, établissements bancaires, SAFER…) étaient là pour répondre aux questions des porteurs d’un projet agricole.
Parmi ces organismes nous avons noté la présence de « Terres Vivantes », dont le siège se trouve précisément à Clermont-l’Hérault, et qui propose un accompagnement sur mesure aux porteurs d’un projet d’installation agricole, en les amenant dans la durée à une autonomie de gestion de leur exploitation. Ajoutons qu’au plan régional, Terres Vivantes est labellisée dans le cadre de son dispositif d’accompagnement à l’installation, et conventionnée pour accompagner les bénéficiaires du RSA ayant un projet agricole. Selon Valérie Glain, l’une des responsables de l’association, « notre rôle est triple : permettre au candidat de confirmer son projet à partir de ses besoins et attentes ; mettre en œuvre ce projet, après étude de sa viabilité et analyse technico-économique et financière ; enfin, pérenniser l’entreprise et favoriser son autonomie ». Plaçant l’homme au cœur du projet, l’association met également en place un accompagnement collectif qui permet aux porteurs de projet de se rencontrer et de se constituer un réseau. Par ailleurs, elle propose des formations à la comptabilité et avec l’AIRDIE, elle a participé à la création du crédit rural qui permet l’accès à des financements pour des personnes n’ayant pas accès au système bancaire.
Une reconversion réussie. Mais parfois heureusement, les choses se passent plus simplement. C’est ainsi que sur les hauteurs de Lodève, plus exactement sur la commune de Soumont, Jean-François Cavalier, ex-informaticien, s’est lancé dans le maraîchage « bio », grâce au soutien du maire de la commune. « C’est grâce à lui que j’ai pu reprendre en fermage des prairies non cultivées pour y monter mon activité de maraîchage » nous a-t-il confié un samedi sur le marché de Lodève où il a conquis une place cette année, dans la nouvelle aire consacrée aux produits biologiques, après avoir participé aux marchés du terroir de l’été en 2016. L’ancien informaticien, désormais détenteur d’un BPREA (Brevet professionnel de responsable d’exploitation agricole) reconnaît que tout n’a pas été facile, car il a fallu commencer par amener l’eau qui n’était pas présente sur son terrain de 5000m2. Une année blanche en 2014, suivie d’une autre première année consacrée à la remise en état du terrain, une terre basaltique assez bonne. Depuis lors, cela marche mieux, le seul problème qui reste à résoudre étant celui de l’habitat, surtout depuis l’installation d’une serre qui demande pas mal de surveillance et des temps de réaction assez rapides en fonction des intempéries.
Cette année, au mois de mars, tous les documents d’urbanisme des communes et les PLU devaient être révisés, en attendant le tour des SCOT à l’échelle des intercommunalités. On peut donc espérer qu’à l’issue de ces révisions, imposées par l’État, le problème de la consommation effrénée de ces espaces sera au moins en partie résolu, laissant davantage de place, et surtout de terrains, aux jeunes désirant s’installer comme agriculteurs, viticulteurs ou éleveurs dans notre région.
Par Bernard Fichet