Livres

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J’ai vu une fleur sauvage

de Hubert Reeves

Injustement piétinées plus souvent qu’à leur tour, les petites fleurs sauvages de nos campagnes méritent pourtant un peu plus que le mépris même inconscient de ces grands êtres que nous sommes, bien trop occupés parfois à regarder le ciel plutôt qu’à s’occuper du sol dont les habitants innombrables nécessiteraient plusieurs vies pour que nous les connussions tous sur le bout des doigts. Hubert Reeves, autour de sa féérique – mais bien réelle – communauté de Malicorne au Nord de la Bourgogne, s’est attaché à nous offrir un bel éventail de toutes ces petites fleurs croisées sur son chemin, accompagné d’anecdotes et juste ce qu’il faut de description pour compléter les nombreuses illustrations de l’ouvrage. Au tour maintenant des curieux – intéressez donc vos enfants à la Nature ! – d’aller cueillir avec les yeux les héroïnes de tous les chapitres de cet Herbier de Malicorne : des dizaines de petits spécimens tous plus mignons les uns que les autres avec chacun sa couleur, son parfum et ses caractéristiques que l’auteur égrène comme autant de contes de la vie sauvage. En ces temps de soudaine préoccupation pour la biodiversité, il serait bon de ne pas perdre les pétales. 

Par Guillaume Dumazer

Nietzsche au Paraguay

de Christophe et Nathalie Prince 

A la fin du XIXe siècle au fin fond du Paraguay, l’explorateur (et ex-mercenaire dans la cruelle guerre qui a ensanglanté le pays quelques années auparavant) Virginio Miramontes s’apprêtait bien à tomber en pleine jungle sur une autre des tribus dangereuses dont il est d’abord victime lors d’un sanglant voyage précédent en bateau. Mais celle qui le recueille ensuite n’a rien à voir avec ceux que l’on appelle encore des “sauvages”… Ici vit en effet une colonie formée autour de familles allemandes ayant pour chefs le docteur Förster et sa femme Elisabeth qui se trouve être la sœur du philosophe Friedrich Nietzsche. Förster clame : « Nous constituons […] une société unique en son genre, capitaine, à la fois ambitieuse et enthousiaste, fondée sur la fraternité et […] un principe d’élévation » mais surtout par la paranoïa, le racisme et l’antisémitisme total. Le barbelé apparaît dans une jungle désormais colonisée par des dingues imbus d’eux-mêmes, en particulier leur chef : « Maintenant, […] ils sont tous citoyens de Försterland. Et pas autre chose. Ils ont perdu leurs qualités, leur individualité, […] mais ont gagné la grâce. » Soit, mais Nueva Germania rime plus avec Bérézina qu’avec Gloria et se tirer de là devient le but ultime de Virginio ! 

Par Guillaume Dumazer

Triste réalité

De Robière

Certes, « ce récit n’est pas pour âmes sensibles », il raconte avec un rude vocabulaire la rue, l’enfance turbulente face aux amours absentes, maman, papa chacun dans son monde, laissant si seules les têtes “blondes” dans cette Normandie où pauvreté et solitude affectent d’emblée Robert / Robière… Quand la famille se délite finalement pour de bon, Robière en trouve une nouvelle : les punks, avec qui la vie bohème du routard, ponctuée de rencontres et de larcins parfois pas menus, peuvent faire passer par la case prison. « La seule chose qui est sûre c’est que t’as qu’une vie et qu’il faut la croquer à pleines dents, en faisant attention de ne pas te les casser ». Et Robière est armé d’une ténacité qui force le respect malgré les casseroles qui le poursuivent / qu’il provoque (ou provoke, les q deviennent ici des k, iconoclasme revendiqué). Provoquer, c’est le mot, faire réagir, appeler dehors d’après le latin : défier de la rue une société qui à l’époque du récit (pile à la charnière entre les années héroïques du punk français et le passage à l’euro) aussi bien qu’aujourd’hui rétrécit toujours plus nombre de libertés quotidiennes sous les hypocrites mais toujours pratiques paravents de la santé ou du bien public. Un bouquin à ranger avec les récents souvenirs de Crok Brandalac et de Gilles Bertin. 

Par Guillaume Dumazer

Superstitions en Transylvanie

De Emily Gerard

Encore une réédition en rapport avec le vampirisme chez Le Castor Astral, cette fois ce sont les extraits les plus intéressants de l’enquête passionnée d’une femme dont le mari était cantonné dans la région du sinistre comte Dracula. Dracula dont l’auteur Bram Stoker (qui, rappelons-le, n’a jamais mis les arpions en Transylvanie…) s’inspirera de ce texte publié sous forme d’article en 1885 (puis de ce livre, The Land beyond the forest, en 1888) pour nourrir son œuvre magistrale de 1897. Ces fameuses superstitions évoquées rassemblent les entités démoniaques, du moins paranormales, qui peuplent le folklore local, qu’il soit d’origine roumaine, saxonne ou encore tzigane. En effet d’après l’auteur, «…il est probable que nulle part en dehors du pays par-delà la forêt cette plante singulière, trompeuse et capricieuse ne s’épanouit avec autant d’obstination et d’étonnante diversité ». Diables et démons, sorcières et gobelins, esprits errants, vampires et loups garous naturellement mais aussi heures ou jours de mauvaise augure, talismans, procédés de divination (très souvent d’une complexité invraisemblable, on a choisi pour nous le triple saut périlleux au premier coup de tonnerre pour soigner le dos), le répertoire est assez impressionnant et éclaire d’un jour nouveau un monument de la littérature. 

Par Guillaume Dumazer

L’Humanité en péril

De Fred Vargas
Le monde est petit, on avait lu il y a dix ans un petit texte de Fred Vargas, un texte beau, urgent, juste, auquel on avait répondu avec notre petite plume car on était tellement sur la même longueur d’onde que c’était trop beau pour être vrai. Fred prolonge avec ce nouveau livre (qui, NON, n’est pas un polar !) ce qu’elle entrevoyait alors, Troisième révolution nous voilà, et livre un essai documenté et poignant, mais aussi parfois drôle et farfelu, sur l’avenir d’une espèce qui, death-y-dément, refuse de cesser de scier la branche sur laquelle elle est assise. Plus dure sera la chute. Pour revenir au texte et à son auteur, Fred Vargas ne prévoyait à l’origine qu’un petit bouquin mais la phase de documentation la contraignit rapidement à envisager un format plus large car elle s’aperçut que ses connaissances qu’elle pensait sérieuses autour de son sujet firent katamari au contact de nouvelles informations toujours plus nombreuses. Mais grâce au Ciel, elle ne se contente pas d’énumérer les catastrophes mais livre ses réflexions, propose des solutions contrairement aux politiques bâillonnés par les lobbies. Et si certaines solutions peuvent paraître logiques pour des gens qui s’intéressent au sujet depuis longtemps, nombre d’autres éclaireront les intéressés. Une lecture solidaire et salvatrice, on t’aime tellement Fred !

Par Guillaume Dumazer

Anita Bomba Comics #3 Tofu vapeur

Trauma crânien de Cromwell, Catmalou, Eric Gratien, Josepe, Edith, Julien Loïs, La Houle et Toulhoat

Anita Bomba, l’héroïne un brin déjantée de Cromwell, n’a pas fait qu’un retour fracassant sur album avec la sortie du premier volume de l’intégrale chez le même éditeur suite à la récupération des droits de la série. En effet, Anita a aussi droit à son propre comics, une coproduction très rock’n’roll entre Akiléos et la propre boîte de Cromwell, Weekend on Mars. Et quand on dit comics, on ne dit pas pôv’ petite revue imprimée à l’arrache sur papier toilette mais bien une jolie petite machine qui rutile, Jeanne Mas s’en pâme déjà, son rouge et noir de couv’ agressant avec style un blanc innocent pour donner un direct du droit dans l’œil de qui ne s’y attend pas. Pour ceux qui suivent la bête depuis son numéro 0 (2014), le menu est une fois de plus dantesque pour qui s’avère friand de bande dessinée remuante, de récit déglingué (Jack Wolfram, lâchez ce cancrelat !), de strips craquants (Mimosa), tout ça mis en page de main de maître pour un effet bœuf (les pages de Cromwell et Josepe vous laisseront forcément sur – dûment botté au préalable – votre séant. Pour les goinfres d’une BD qui sourire aux lèvres laboure à la chenillette les sentiers rebattus. Et les fans de Cromwell devraient aller jeter un œil à l’interview vidéo qu’il accorda à Nawakulture.fr, scoops en cascade !

Par Guillaume Dumazer

Le grand Bêtisier de l’Histoire de France

De Alain Dag’Naud

Nouveau jouet pour les irréductibles haltérophiles de la littérature, ce grand bêtisier qui doit bien peser ses trois kilos promet de longues heures de lecture aux passionnés de la longue Histoire de France, d’autant que celle-ci se voit ici revisitée avec une très haute dose d’irrévérence et malignement illustrée pour apporter, on cite, « les preuves par l’image que la bêtise au pouvoir n’a pas fini de nous surprendre ». De Clovis, roi des Francs, à un Emmanuel Macron depuis passé à l’euro, Alain Dag’Naud remonte le temps en multipliant les jeux de mots et les traits ironiques. Si les premiers, excessivement nombreux, peuvent franchement lasser à la longue, on ne peut être qu’enthousiasmé par le travail de recherche d’illustrations effectué par Larousse, occasionnant des pleines pages magnifiques et faisant de ce monstre de papier une véritable galerie d’art miniature, voire un rappel – pourtant pas nostalgique pour un sou – des anciens manuels historiques scolaires qui ne lésinaient jamais sur le travail de mise en images d’une des matières les plus importantes et les plus passionnantes qui soient. Un chouette cadeau pour les férus d’histoire et d’humour, et peut-être même un moyen pour les plus jeunes d’enfin apprendre en s’amusant !

Par Guillaume Dumazer

Proust, contre-enquête

De Christine Brusson

Dans le but de mener à une nouvelle lecture de Marcel Proust, la lodévoise Christine Brusson (Les Dessous de la littérature, La Splendeur du soleil, Le Génie du sexe…) livre avec cette imposante étude de plus de cinq-cents pages une véritable enquête sur un auteur à l’histoire et à la personnalité complexes, pour ne pas carrément dire énigmatiques pour la plupart de ses lecteurs. Afin de dissiper à sa manière le brouillard dont est souvent entouré le créateur de la célébrissime Recherche du temps perdu, celui que l’on associe à la proverbiale madeleine qui porte son nom, Christine Brusson a réuni de nombreux extraits des correspondances de Proust, des témoignages d’époque et une analyse psychologique, historique et littéraire rigoureuse. Mais bien au-delà de la biographie d’un des plus grands mythes de la littérature française de la charnière des XIXe et XXe siècles à laquelle elle ajoute ici sa pierre à l’édifice, Christine Brusson écrit sa passion pour l’œuvre de Proust, un auteur au sujet duquel pléthore de malheureux clichés persistent avec les années : puisse donc ce labeur, fastidieux et amoureux à la fois, aventureux même quand il confronte la réalité au monde magique, donner naissance à de nouveaux adeptes de la langue proustienne. C’est en tout cas ce que l’on souhaite à sa talentueuse auteure.
Par Guillaume Dumazer

Bushcraft 101 – Le Guide pratique pour survivre en pleine nature

De Dave Canterbury
Les survivalistes débutants vont être ravis par cette sortie qui préparera à l’action tous ceux qui souhaitent acquérir “l’art de la vie sauvage” mais aussi ceux qui veulent, l’espace de quelques jours, échapper au confort matériel de tous les instants pour tenter l’épanouissement en allant à la rencontre de la vraie nature sans forcément chercher à l’apprivoiser. L’expert en survie et autosuffisance Dave Canterbury a en effet compilé dans ce petit bouquin les conseils élémentaires pour partir à l’aventure : le paquetage comprenant les outils à trimbaler et entretenir (couteaux, cordes et compagnie), le matériel de cuisine et de couchage, les pièges (argh, on nous dit dans l’oreillette qu’on vient de perdre les végétariens !), tout est listé et expliqué, les astuces et instructions diverses pour bien faire aussi mais l’équipement ne fait pas tout : il faudra surtout être muni de détermination et utiliser intelligemment ses connaissances car celles-ci peuvent tout simplement sauver la vie en cas de pépin. Le cœur bien accroché, par exemple pour le dépeçage d’un écureuil en vue d’un sûrement succulent rôti improvisé (recette incluse !), sera un plus non négligeable. De notre côté, on retourne à nos légumes puisque ceux-ci nous font la gentillesse de ne point crier quand on les découpe.
Par Guillaume Dumazer

Galilée – Le Messager des étoiles

De Jordi Bayarri
Né de père à la fois musicien et mathématicien au XVIe siècle en Italie, Galileo Galilei a déjà son chemin tout tracé : il passera sa vie à expérimenter passionnément afin de vérifier les dires que colportent parfois obstinément les tenants de la science à cette époque, sans en apporter la moindre preuve qui plus est. C’est pour cela qu’il est très vite mal vu par ses collègues qui se contentent de suivre aveuglément des préceptes sans jamais rien remettre en cause. Galilée lui n’hésite pas à mettre en doute les pionniers : Aristote (à qui, comme à Darwin ou Marie Curie par exemple, un volume de cette très intéressante Petite encyclopédie scientifique est consacré !) ou Ptolémée, en observant attentivement le ciel et, fatalement, ne tarde pas à se confronter aux théories de l’Église toujours jalouse de son autorité. Quand les publications de Galilée commencent à avoir du succès ça en est trop, l’Inquisition s’en mêle ; il devra se méfier toute sa vie de cet œil dangereux qui le surveille de très près. La bande dessinée biographique, très chouette, est suivie d’un entretien avec Didier Queloz, découvreur des exoplanètes, ainsi que d’une bibliographie pour aller plus loin. Une série de livres pédagogiques et beaux à la fois : on recommande chaudement, surtout à une époque où pour certains “intellectuels” la Terre est en fait plate !

Par Guillamume Dumazer