L’Ordre du jour de Éric Vuillard

« Les manœuvres terrassent les faits ; et les déclarations de nos chefs d’État vont être bientôt emportées comme un toit de tôle par un orage de printemps »… L’écriture est excessivement soignée, « L’abîme est bordé de hautes demeures », et, habitant celles-ci, vingt-quatre pontes de l’industrie et de la finance allemandes (dont les noms ne sont inconnus de personne : Krupp, Siemens, IG Farben, Agfa, Varta, Allianz, Telefunken, Opel…) se réunissent au palais du président de l’assemblée, Hermann Göring. Le chancelier Adolf Hitler fait lui aussi partie des convives et sa réélection une nécessité pour faire cesser l’instabilité qui gangrène la vie politique du pays et surtout écraser dans l’œuf toute tentative de prise de pouvoir des communistes. Hjalmar Schacht, bientôt président de la Reichsbank et ministre de l’économie, est là pour faire la quête «  devant ces vingt-quatre machines à calculer aux portes de l’enfer ». La suite ne sera pas semblable génuflexion mais le chancelier de l’Autriche se verra contraint de signer une infâme reddition, l’auteur tente d’ailleurs d’ébranler les images qui habitent les crânes, celles où « l’on y voit, dans des plans savamment cadrés, avancer les blindés allemands au milieu d’une foule en liesse. Qui pourrait imaginer qu’ils viennent de subir une gigantesque panne ? ». Lumineux.

Par Guillaume Dumazer

Laisser un commentaire