L’agriculture connectée

Le récent Salon de l’agriculture a une fois de plus montré toute la diversité du monde agricole, mais aussi toutes les difficultés que rencontrent nos agriculteurs ou éleveurs pour (sur)vivre décemment du fruit de leur travail. Mais pour les consommateurs que nous sommes, force est de constater que nous avons de plus en plus de mal à nous y retrouver dans le dédale de toutes les sortes d’agriculture qui nous sont proposées, entre agriculture traditionnelle, biologique, raisonnée, voire la permaculture ou la biodynamie, pour ne pas parler de l’agriculture cellulaire ou de l’aquaponie. Mais aujourd’hui, C le Mag a décidé de s’attaquer au problème de l’agriculture “connectée”.

Savoir s’adapter aux nouvelles technologies. Côté nostalgie, comme il nous semble déjà loin le temps du geste auguste du semeur, du cheval de trait devant sa charrue, du fauchage à la faux ou encore de ces meules de foin érigées au sortir de la moissonneuse batteuse : autant de gestes récemment remis en lumière dans le très beau film de Xavier Beauvois “Les Gardiennes”. Reste qu’après la Seconde Guerre mondiale, dans les pays occidentaux, l’agriculture dite de subsistance a cédé la place à une agriculture de production en s’appuyant sur des technologies nouvelles associées à des matériels de plus en plus performants. A ces changements techniques et technologiques est venue s’ajouter une mutation des mentalités paysannes habitées par un esprit de rendement et de compétitivité, au détriment parfois de certaines pratiques de polyculture. Mais les outils agricoles eux-mêmes, tracteurs, charrues, semoirs… ont rapidement évolué, la plupart d’entre eux étant désormais munis d’un ensemble de sondes et de capteurs reliés à un système centralisé, souvent à base de reconnaissance GPS. D’où la définition de l’agriculture connectée donnée par Emmanuel Diner, fondateur de la revue “Agriculture connectée Magazine” : « C’est l’ensemble des technologies et des services qui permettent de faire fonctionner ensemble les outils de la ferme, ou qui sont utilisés par ces mêmes outils, par un lien non mécanique ». En fait, les agriculteurs, ou éleveurs, n’ont pas attendu ce qualificatif de connecté pour introduire le numérique dans leurs exploitations. Cela fait en effet plusieurs décades qu’ils utilisent les outils informatiques. Après le Minitel, l’ordinateur puis internet et les smartphones ont pris le relais. Et à chaque fois, ils ont su s’y adapter, parfois avec l’aide des chambres d’agriculture ou même avant lors de leurs études dans des lycées agricoles ou écoles d’ingénieurs agronomes. Après une aide aux tâches administratives, les outils informatiques ont pris place dans des domaines plus techniques, sous la forme par exemple de robots de traite, ou accéder aux cours des matières premières ou aux prévisions météorologiques. Bref, ces outils peuvent désormais les aider à prendre des décisions. Mais ce qui est relativement nouveau, c’est que depuis quelque temps, les agriculteurs commencent à pouvoir connecter “sans fil” tous ces systèmes entre eux, et à les faire fonctionner ensemble. Sur un plan humain, et face à un tel outil numérique, l’agriculteur est donc en droit de se poser la question de savoir quel est le rapport coût/bénéfice ou encore si cela lui permet vraiment de gagner du temps. C’est là une des questions que posera prochainement Vincent Tardieu, lors d’une conférence-débat intitulée “Agriculture connectée : arnaque ou remède ?”, titre de son livre éponyme, qui se tiendra le vendredi 4 mai à 18 h à la médiathèque Max Rouquette de Bédarieux et qui fera suite aux Journées “Eco dialogues Grand Orb” sur le thème “Penser l’homme dans son environnement” qui se sont déroulées à Bédarieux les 16 et 17 mars derniers.

Bienfaits ou contraintes pour les agriculteurs. L’arrivée du numérique dans l’agriculture signe-t-elle en effet la troisième révolution agricole, après celle du 18e siècle marquée par la fin de la rotation des cultures et de la jachère, et celle de la mécanisation agricole du 20e siècle ? Dans son livre, Vincent Tardieu, journaliste scientifique, auteur et coordinateur du pôle “inspirer” du mouvement Colibris, ne manquera pas de poser un regard extérieur et différent sur l’invasion du numérique et des objets connectés en agriculture, sans pour autant remettre en cause leur potentiel. Au cours de son enquête dans 25 départements français auprès d’agriculteurs, scientifiques, techniciens, ingénieurs, responsables agricoles, … l’auteur n’a pu que constater un véritable engouement de la profession pour les TIC (Techniques de l’Information et de la Communication) qui passent par deux grandes familles d’outils : les capteurs et les robots. Mais encore faut-il relativiser les apports de cette technologie, car un capteur, le plus sophistiqué soit-il, ne verra jamais que ce qu’on lui a dit de voir, alors même que l’œil de l’agriculteur peut détecter l’imprévu, et intervenir à temps en conséquence. Bref, toute cette technologisation de l’agriculture amène Vincent Tardieu à se demander si elle conduit nécessairement à l’émancipation des paysans.
Certes, parmi les bénéfices apportés par ces nouveaux outils, on peut penser que la robotique peut se substituer à des tâches répétitives et pénibles (exemple le robot de traite ou encore, en maraîchage, les opérations de désherbage). De la même manière, il est certain que la géolocalisation est susceptible de rendre de vrais services agronomiques tant sur les cultures que sur les animaux.
En revanche, il est à craindre que toutes ces avancées technologiques contribuent à l’endettement des agriculteurs, car elles ont un coût certain, d’investissement d’abord, quand ce n’est pas ensuite de fonctionnement. Prenons par exemple le cas du robot de traite. Prévu pour une soixantaine de vaches, son coût est d’environ 110.000 €. Mais que se passera-t-il si l’éleveur n’a que 40 vaches ? Soit il va renoncer à l’achat, soit il va augmenter son cheptel, soit prendre deux robots. Autrement dit, on va le pousser à la surproduction. Il est donc important que l’agriculteur sache pronostiquer ses besoins et maîtriser ses outils, car ce n’est certainement pas le matériel qui va régler la crise. Sans compter que l’on peut raisonnablement penser que tous ces outils d’aujourd’hui deviendront vite obsolètes, comme le sont bon nombre d’objets de notre quotidien. Le risque subsiste donc d’ajouter aussi de la crise à la crise actuelle.
Les drones, GPS, puces, ou autres capteurs dits “intelligents” qui envahissent désormais nos campagnes peuvent aider à réduire la pénibilité des tâches agricoles et même être générateurs de gains, par exemple dans les usages d’engrais, de l’eau ou des pesticides. Mais rien n’est moins sûr que ces avancées techniques et technologiques n’apportent que des bénéfices, car en plus des dépendances commerciales et financières qu’elles génèrent, elles sont susceptibles de menacer des emplois, voire des ressources naturelles de la planète. A priori, sur le plan humain, les agriculteurs dans leurs champs semblent donc avoir encore de beaux jours devant eux.
Sans prendre vraiment position sur les avantages et les inconvénients de cette agriculture connectée, Vincent Tardieu estime que de toute façon, on ne peut qu’y gagner quand on coopère ou quand on améliore la mutualisation, et que ce devrait être le rôle des chambres ou des organisations agricoles que de mieux en informer les agriculteurs, tant il est vrai qu’il n’y a pas d’innovation technologique sans innovation sociale. Cette nouvelle révolution est donc en marche. Alors, arnaque ou remède ? Reste seulement à espérer qu’elle ne se fasse pas au détriment des agriculteurs !
Par Bernard Fichet

Une réflexion au sujet de “L’agriculture connectée

  1. xavier massay says:

    bonjour je suis exploitant agricole travaillant avec un groupement d’Intérêt économique de plus de 5000 ménage dans le culture de manioc à Kinshasa en RD.Congo, nous avons besoins des équipement numérique pour notre projet qui dispose plus de 20.000 Ha de terre.

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