Extraterrestres d’ici et d’ailleurs – deuxième partie

Vous aviez un mois pour répondre. Très attentifs bien sûr à ma dernière rubrique, vous avez utilisé le mois qui vient de passer à préparer votre réponse à ma question : « Mais qui donc nous a pondu les premiers extraterrestres de science-fiction dignes de ce nom ? »…
Il s’agissait de s’éloigner cette fois-ci de l’apparence des éternels “humains de l’espace” rencontrés dans les récits utopiques des XVII et XVIIIe siècle. Vous aviez droit à deux réponses : l’une très érudite, datant de 1887, proposant les Xipéhuz du fabuleux écrivain français J.-H. Rosny aîné. Battant tous les records d’inventivité dans cette science-fiction qui n’existe pas encore en tant que genre, l’auteur, surtout connu pour La Guerre du feu et ses autres romans préhistoriques, se révèle en quelques nouvelles l’un des plus grands précurseurs. Les Xipéhuz sont une “intelligence non organique” qui va rencontrer les humains du néolithique… en 1887! Tout l’imaginaire de Buck Rogers et de Rahan est en gestation.

L’autre référence principale était, quelques années après, l’inévitable géant H. G. Wells. Rappelons qu’en six ans l’auteur anglais rédige pas moins de cinq romans cultes : La Machine à explorer le temps (1895), L’île du docteur Moreau (1896), L’homme invisible (1897), La Guerre des mondes (1898), Les Premiers Hommes dans la Lune (1901) ! Dans ce dernier, le professeur Cavor, grâce à un métal anti-gravité s’envole en astronef et découvre les Sélénites qui habitent sur la surface de la Lune.

De bonnes “tronches bien flippantes” à mi-chemin entre les insectes et les squelettes, que le public découvrira dans le célèbre film de Méliès Le Voyage dans la Lune qui est une superbe mixture des romans lunaires de Jules Verne et de ce livre de Wells.
Dès La Guerre des mondes, Wells nous avait déjà fait rencontrer des invertébrés spatiaux sous la forme de machins flasques et tentaculaires émergeant de drones et autres engins mécaniques. Des insectes intelligents, des poulpes manichéens… on croit rêver !

Pourtant, c’est à Montpellier durant l’été passé, qu’une chercheuse du CNRS a mis au point une expérience qui révéla que les abeilles maîtrisent le concept du zéro – ce qui n’a pas été une évidence au départ pour les humains ! La petite bestiole, avec cent mille fois moins de neurones qu’un homme, cernée par les cochonneries que nous balançons sur nos exploitations agricoles, certaines espèces cousines invasives et “criminelles” et sans doute d’autres facteurs encore, a très vite intégré que le fait de voir une image vide plutôt qu’une image avec des signes (c’était l’expérience mémorielle préparée en plusieurs phases )… lui indiquait la présence de nourriture.
Certes elle n’en est pas encore à les voir remplir des tableaux mathématiques sur la théorie des cordes mais, imaginons que quelques espèces de tarentules, cafards et autres poulpes qui s’associeraient entre elles comme le firent les espèces de singes de la planète du même nom, on aurait de quoi flipper ! Ça leur ferait tout de même un certain nombre de compétences très complémentaires mobilisables contre leur pire ennemi !

Mais alors me direz-vous, et les petits hommes verts ?
Nous allons d’abord devoir revenir sous l’eau, comme dans l’épisode précédent, pour y trouver des sources d’inspiration. Il fallait effectivement aux premiers vrais récits de science-fiction non seulement l’imaginaire et la plume de nouveaux auteurs, mais encore les pinceaux d’illustrateurs et ciseaux de graveurs. Et là il y avait un hic…
La plupart des écrivains du début du XXe siècle étaient très peu précis sur l’esthétique des créatures rencontrées, essentiellement parce qu’ils essayaient de ne pas briser les fantasmes de leurs lecteurs. Mais l’heure était à l’image, et les premiers journaux de science-fiction devaient montrer ces Aliens. Ce fut le luxembourgeois Hugo Gernsback, émigré aux États-Unis, qui créa des magazines bon marché (des “pulps”) aux couvertures colorées. Dans une première génération, les illustrateurs s’inspirèrent principalement des monstres, merveilles et autres arnaques montrés par les bonimenteurs dans les pavillons des foires populaires et autres musées du bizarre.
C’était bien souvent des créatures marines taxidermisées par des artistes peu scrupuleux, capables de réaliser une sirène, un dragon et tout autre chimère susceptibles de berner un public peu cultivé ou convaincu par l’existence d’autres mondes (c’était aussi l’âge d’or du spiritisme). Raie guitare, calmar, assemblage de poissons et des mammifères… repeints, déformés, présentés derrière des vitrines distantes devenaient ainsi des Sélénites et autres Martiens.
Il fut donc facile pour les jeunes illustrateurs d’Hugo Gernsback de s’en inspirer pour les dessiner dans des cités planétaires et des vaisseaux extravagants.

Puis à la fin des années 1930 un tournant eut lieu. La forme la plus célèbre du martien au corps fluet et à grosse tête devint courante. Alternant la couleur verte, la plus utilisée, et la couleur rouge. La raison ? Tout simplement la visibilité de ces envahisseurs sur les couvertures des magazines. En effet, il s’agissait d’attirer de loin l’œil des gamins et des ouvriers fatigués par de longues journées de travail qui faisaient la queue devant les kiosques à journaux. Génie du marketing, Gernsback comprit vite que le fond de ces magazines ne devait jamais être vert car les kiosques eux-mêmes étaient de cette couleur.
Mais le vert étant essentiel dans ce type d’impression, il en fit la couleur principale des créatures qui étaient spectaculaires sur des fonds jaunes ou rouges éclatants.
Jusqu’en 1947, nos petits hommes verts évoluaient principalement en fusées et autres cargos spatiaux. Mais cette année-là marqua deux immenses temps forts dans l’histoire des OVNI et de l’exobiologie. Ce fut d’abord en juin l’observation par Kenneth Arnold, un pilote américain semblant digne de foi, d’une escadrille d’objets volants qui furent qualifiés de “soucoupes volantes”, terme qui allait s’installer durablement dans l’imaginaire. Puis un mois plus tard éclata l’affaire Roswell, prouvant pour beaucoup “qu’ils” sont là, “qu’ils” ont atterri !
La récupération supposée d’un alien boosta l’intérêt du public, ce qui nous permit de bénéficier d’une interminable liste de récits marrants y compris au cinéma, de Rencontres du troisième type à X-files, de Mars Attacks! à Independence Day, voire Men in Black.
Le mois prochain… Nous tenterons de revenir les pieds sur terre (Mais c’est pas gagné…). Je vous envoie un salut vulcain digne et sans effusion… Comme il se “doigt”.

Par Frédéric Feu

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