Donjons, dragons, chimères et cathédrales

Belle gageure que je me fixe à travers cette rubrique de rebondir sur l’actualité en annonçant une action qui devrait ravir les amateurs de jeux-enquêtes-animations-spectacles et autres escape-games…
Un menu consistant : une cathédrale qui brûle en capitale de France, une autre à redécouvrir en capitale du Lodévois-Larzac, une saga d’Heroic Fantasy qui s’achève à la télé, et des récits fabuleux du même genre à (re)découvrir en livres et BD. Avec aussi une animation pleine de mystères et de surprises à vivre en famille sur les traces d’un des plus célèbres inquisiteurs du Moyen Âge… Au café de mon village du Cœur d’Hérault, avec tous les gens que j’aime bien fréquenter – même si certains ont voté, hélas, du côté sombre de la force (dites la rédac, c’est sûr qu’on n’a pas droit aux émoticônes !?), un stylo, quelques dos de tracts non imprimés annonçant des manifestations passées et me voilà prêt à rédiger.

Récemment, tels des français mécontents, râlant à tort ET à raison, les aficionados du monde entier de la saga Game of Thrones ont vivement critiqué la conclusion d’une aventure qui les fît vibrer durant huit saisons.
Aïe! Ça pique ! Comme Star Wars qui fit exploser l’auditoire de la SF (même si beaucoup d’auteurs avaient écrit de bien meilleures œuvres dans le genre), comme Harry Potter qui fit exploser les ventes des récits fantastiques et de la lecture jeunesse en général, GOT a su rénover et booster les critères qui définissent l’Heroic Fantasy…
Dommage, donc, de mécontenter cet immense auditoire. D’un genre à part entière, même si on le colle généralement abusivement au rayon SF – pourquoi, dans ce cas, ne pas aussi classer en SF L’Odyssée d’Ulysse, les voyages de Marco Polo ou ceux de Gulliver, tant il est vrai que des voyageurs perdus y découvrent des dieux et civilisations inconnues proprement fantasmagoriques sur des terres qui n’ont rien à envier aux planètes et mondes parallèles ?
L’Heroic Fantasy se nourrit des connaissances précises autant que des hypothèses branquignolesques de savants et érudits sur les civilisations antiques et sociétés médiévales. Elle bricole des mondes sauvages, des royaumes étincelants où, de la plus morne austérité, des panthéons, des écosystèmes qui fusionnent science et mythologie, poésie et exploit sportif, animalité et surhumanité, sur des terrae incognitae d’époques tout aussi indatables, parle-t-on d’ailleurs de civilisation terrestre ? On en doute parfois…
Voir en avril la forêt, incomparable chef d’œuvre de charpentiers des bâtisseurs de Notre-Dame brûler, et la flèche de Viollet-le-Duc s’effondrer avait, pour les amateurs du genre, des relents de fin d’un monde, de faillite d’une ancienne civilisation. Pourtant aucun ennemi à blâmer : le dieu Sprinkler n’a rien fait, le monstre feu s’est propagé ? Rangez les armures, poussez les catapultes : on ne peut rien contre le destin !

Il y a quelques années j’ai travaillé, avec des membres du Centre de l’Imaginaire Scientifique et Technique, sur une exposition qui flirtait avec les mythologies fantastiques et l’archéologie rationnelle. Je m’étais amusé à soumettre aux archéologues lyonnais une hypothèse historique farfelue mais “étayée” : l’expo portait sur L’Iliade et l’Odyssée et je me demandais si Ulysse et ses Achéens et marins, guerriers et pirates, auraient pu vaincre les peuples installés aujourd’hui dans la zone d’Hissarlik, ou s’ils se seraient pris la déculottée de leur vie. Sauf évidemment Hercule, combattant à leur coté, qui en tant qu’immortel aurait eu quelques autres occasions de s’en prendre une.
Pour mémoire, Hissarlik en Turquie est le site identifié au XIXe siècle par l’archéologue Heinrich Schliemann, comme étant l’emplacement de la cité de Troie. Il se trouve que, avant que le dernier épisode de “Game of Thrones” ne scotche durablement au petit écran son vaste fan club, je lisais la vie étonnante de l’écrivain, poète et “héroïcfantaisiste” Robert E. Howard. A le voir en photo, massif en costume trois pièces et feutre blanc, on le confond souvent avec une autre personnalité de sa ville, Chicago, de sinistre réputation. Pourtant, autant Capone fut un monstre bien réel, autant Howard et son ami H. P. Lovecraft ne firent du mal qu’à eux-mêmes, et peuplèrent notre imaginaire de cauchemars heureusement peu crédibles et ô combien sublimes. Je me suis servi pour mon travail de l’Odyssée, du plus célèbre héros d’Howard dont vous ne pouvez pas ne pas avoir déjà entendu parler : il est, avec les membres de la guilde du Seigneur des anneaux, un personnage fondateur même de l’Heroic Fantasy : Conan le Cimmérien, dit Conan le barbare, le destructeur, le pirate… Évidemment, Arnold Schwarzenegger reste le plus remarqué interprète du rôle dans des films plutôt sympas mais qui exagérèrent l’humour et flinguèrent la poésie des récits originaux.
Revenons à la question qui fit perturber des archéologues français. Il se trouve qu’ Howard et Lovecraft fréquentaient ces bars où s’encanaillaient les archéo-historiens de Chicago et les deux auteurs suivirent de près leurs découvertes. Ceux-ci parlaient d’une ancienne civilisation nomade plus ancienne que les Scythes, elle aussi souvent mercenaire. Elle fut découverte au-delà du Bosphore dans ces terres que les Grecs considéraient comme appartenant aux Cimmériens au bout du monde connu, aux frontières des ténèbres (sur son chemin se trouve la porte des enfers qui mène à l’Hadès). Les archéologues américains dénommèrent donc “Cimmérien” le peuple qu’ils étudiaient. Ces guerriers étaient d’autant plus fascinants qu’ils furent les premiers à posséder non plus des armes en bronze mais faites dans un métal nettement plus résistant : le fer. Qu’il s’agisse du film avec Shwarzy où l’on voit couler l’épée de son père, ou du dessin animé des eighties où Conan s’arme d’une arme “en métal étoile”, le récit d’Howard s’appuie sur une réalité historique : les premiers peuples armés de fer ont “mit une trempe” aux armées de bronze à fortiori de cuivre, comme les Égyptiens. Il se trouve qu’à l’époque supposée de la guerre de Troie, les archéologues américains ont découvert que les Cimmériens stationnaient sur la cote turque. J’espère qu’Agamemnon disposait bien des mille cent navires grecs décrits par Homère ! Un vrai chiffre aussi fantaisiste qu’héroïque.

La réponse des archéologues à ma question titillante fut aussi incroyable, et je vais vous la raconter avec force détails… le samedi 29 juin à la nouvelle librairie un point un trait (comme nombre de curiosités sur les sources de l’Heroic Fantasy).
Par Frédéric Feu

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