Bientôt la lune…

En 1999, part une mission pour la Lune. Parmi les membres de l’équipage, se trouve l’inoubliable professeur Heywood Floyd. Elle se pose près du cratère Tycho, rejoignant la base terrienne permanente de Clavius… Là, le professeur touche un étrange monolithe découvert sous le sol de notre satellite. Cette même Lune, sur laquelle Cyrano de Bergerac avait déjà rencontré l’âme de Descartes trois cents ans plus tôt, sur laquelle Buck Rogers, Mandrake et Flash Gordon avaient croisé monstres et extra-terrestres des décennies plus tôt, sur laquelle Tintin découvrit de la glace en 1953. Floyd, donc, effleurant cet objet d’une géométrie parfaite, provoque un rayonnement puissant relié à Jupiter qui nécessite d’équiper une expédition scientifique conséquente à destination de la plus grande planète de notre système. Deux ans de préparation et le départ de cette odyssée est chose faite en 2001.

Quittons l’imaginaire et revenons sut terre, nous sommes en juillet 2018. Il y a cinquante ans, les ingénieurs et techniciens fébriles de la NASA pensaient voir aboutir prochainement l’objectif annoncé par John Fitzgerald Kennedy le 12 septembre 1952 (We choose to go to the Moon !), une réponse spectaculaire attendue par le peuple américain à l’annonce en avril 1961 par les Soviétiques de la mise en orbite du premier homme dans l’espace Youri Gagarine.
En 1968, la France en est encore à se remettre des heurts du mois de mai, au premier rang desquels Montpellier qui suivit fortement le mouvement (parfois atténué dans d’autres grandes villes françaises). La France n’a pas encore vu le film « cultissime » de Stanley Kubrick, découvert par les Américains en avril mais qui n’est sorti dans nos salles que fin septembre. La valse du vaisseau spatial « L’Orion III », parmi les œuvres de Johann Strauss utilisée dans le film, nous renvoie à une autre valse, celle des concepts visuels annoncés pendant près de trente ans par les scientifiques, qui imaginaient avec de plus en plus de crédibilité l’accomplissement de cette grande aventure humaine.

1968 est aussi une année saturée d’imageries technologiques, de l’art au mobilier et à la mode, le « Space Art » bat son plein. Tous les avant-gardistes : Cardin, Courrèges, etc. sortent des vêtements en plastique, des pin-up militaires gainées dans des lycras colorés, des mobiliers aux formes bien difficiles à placer dans les habitats de ceux qui possèdent encore des maisons et appartements aux mornes pièces rectangulaires.
Mais le vrai choc va être la très tardive révélation des formes du matériel spatial américain. Les couvertures des magazines populaires continuaient à arborer le beau damier rouge et blanc de la fusée de Tintin, voire des engins ultra-bariolés tels ceux de Buck Rogers, et ne parlons pas des combinaisons spatiales qui, depuis le film Destination Moon de 1950, dans lequel elles sont carrément rouges, bleues, vertes, jaunes… afin de bien distinguer les personnages, c’est un défilé de Playmobils « pop culture » qui illustre l’anticipation scientifique… or les missions APOLLO se succèdent en 1968 à un rythme effréné dans des engins noirs et blancs, additionnés de touches d’argent et de doré liées à certains matériaux impérativement nécessaires.

On oublie trop souvent que le 22 janvier 1968, on n’en est qu’à APOLLO V ! Et que les pas des premiers hommes sur la Lune c’est APOLLO XI, soit six missions plus tard, sur seulement une année et demie. Et chaque envol, mise en orbite, voyage… met en évidence jusqu’à la dernière minute des modifications urgentes à réaliser, du genre, euh… remplacer les hublots par des panneaux d’aluminium étant donné que le verre acrylique a éclaté pendant le vol… On modifie la position et la taille des grands rectangles peints sur le fond blanc des gigantesques réservoirs de la fusée (ou plutôt du « lanceur »). Ils sont vitaux car, comme les carreaux de la fusée de Tintin, ils permettent aux scientifiques de vérifier à distance les oscillations et la rotation de la fusée pour savoir si son comportement dans la première phase de vol est satisfaisant.

Pourquoi parler de tout cela aujourd’hui ? Pourquoi s’adresser à ces super veinards qui sont assez vieux pour avoir connu cette épopée, vibré enfants à la découverte des photos dans « Paris Match » qui avait le mérite d’être effectivement un superbe support visuel pour nous faire croire qu’on était en train de lire National Geographic et dont les interviews ont nourri de rêves, de sciences et de voyages…. Cette génération a quand même le droit de se faire un petit plaisir, vu que les progrès techniques qu’on lui a assénés par la suite sont très loin d’être tous beaux, tous roses !

Vous allez donc vivre une année qui va vous amener à la célébration du cinquantenaire en juillet 2019 de « ce petit pas pour l’Homme » qui fut « un pas de géant pour l’humanité », dixit Neil Armstrong. Elle sera immanquablement accompagnée de beaucoup trop de livres en librairie pour pouvoir choisir, de mille expos et spectacles sur ce sujet, qui n’auront aucune chance de tourner par la suite, ayant saturé les médias et l’intérêt de tout un chacun… mais bon, on ne se refait pas, C le Mag, le CIST et l’Observatoire astronomique d’Aniane ne vont donc pas traîner à vous faire revivre les quelques croustillantes anecdotes, découvertes fabuleuses et actes héroïques qui ont constellé ce thème. Ils ont peut-être eu un problème à Houston, mais nous en Cœur d’Hérault on n’y voit que du bonheur !

Par Frédéric Feu

Laisser un commentaire